Cet article fait réponse à un commentaire d’une collègue curieuse et qui aime bien les histoires. 🙂 Mais je tiens à préciser que je ne suis pas du tout historienne des maths, et que si j’écris des bêtises, je suis preneuse des corrections que les lecteurs plus compétents sauront corriger.
Simon Stevin est né à Bruges en 1548. Il a voyagé en Prusse, en Pologne, en Suède et en Norvège, mais a surtout vécu aux Pays-Bas, où il est mort en 1620. Simon Stevin était un grand curieux : il a publié un recueil de tables d’intérêts, un volume de géométrie, Problematum geometricum, un Pratique d’arithmétique, un ouvrage intitulé Statique, un autre sur la musique, et aussi la Disme, qui m’intéresse tout particulièrement ici et qui a fait un gros buzz à l’époque. “Contemporain de Galilée, de Kepler, Stevin est peut-être leur égal. S’il est moins connu qu’eux, c’est sans doute dû au fait qu’il écrivait quasi-exclusivement en néerlandais, ce qui retarda la propagation de ses travaux à travers l’Europe“, lit-on ici.
Stevin a eu mille carrières : employé de banque, comptable d’un marchand d’Anvers, employé aux finances du port de Bruges, précepteur de Maurice de Nassau, prince d’Orange, intendant général des armées néerlandaises. A 35 ans, il s’inscrivit dans une université pour apprendre en mathématiques. Mais il a aussi “inventé une méthode pour retenir une armée d’envahisseurs : il fit inonder les terres et chemins en ouvrant les écluses situées dans une digue. Les Néerlandais se sont souvenus de cette méthode lorsque les Allemands envahirent les Pays-Bas durant la Seconde Guerre mondiale. Il participa également à la construction de fortifications, de ports, d’écluses et de moulins à vent” (ici ), et un char à voile.
Manifestement, Stevin était en recherche d’un système d’écriture des nombres “rompus” efficace pour les calculs. A l’époque, en Europe, on n’écrivait pas 3,5, mais 3 1/2. Pas très pratique pour effectuer rapidement des calculs : les fractions imposent des transformations pour faire apparaître un dénominateur commun, coûteuses en temps. Les fractions étaient apparues depuis trèèèès longtemps (les Égyptiens les utilisaient en 2500 av. J.-C.). Quant aux décimaux, les savants chinois et arabes, bien avant Stevin, y travaillaient et avaient inventé le concept, avec les fractions décimales : “Vers 952, Ibrahim al Uqlidisi propose d’utiliser des fractions décimales pour écrire les nombres“, peut-on lire sur Maths-et-tiques. D’autres savants arabes continuèrent de progresser, et Al Kashi donna (en 1427) “une définition des fractions décimales, exposa leur théorie et montra comment décomposer toute fraction en somme de fractions décimales. Al Kashi détailla les techniques opératoires en expliquant qu’en utilisant les fractions décimales, les opérations sur les fractions se ramènent à des opérations sur les entiers” (toujours maths-et-tiques). Mais en occident, on n’en était pas là. On était même franchement à la traîne.
Alors ce n’est pas Stevin qui a “inventé le nombre décimal”, stricto sensu. Mais sa notation est révolutionnaire en Europe, il l’a inventée sans connaissance des avancées arabes, et le buzz l’a propulsé comme innovateur du décimal. La voici :
Ce que proposa Stevin en 1585 est très pratique pour poser les opérations (et pas seulement les additions) :
À partir de là, en peu de temps, les notations évoluèrent rapidement : en vingt ans, on vit apparaître 89.532 avec Magini, avec Bürgi, 89,532 avec Snellius et Napier. Beaucoup plus tard, au 19e siècle, De Morgan imposera l’utilisation du point décimal.
Merci Claire d’avoir pris du temps pour écrire cet article.
ça me donne envie d’en savoir plus puis de le partager avec mes élèves l’an prochain au moment des décimaux.
Bonne soirée, Céline