Le 19 juin a été publiée l’enquête Talis. C’est une enquête de l’OCDE sur l’enseignement et l’apprentissage, menée sous la forme de questionnaires adressés à des enseignants et des chefs d’établissement. Il en résulte une comparaison internationale portant sur 31 pays de l’OCDE. De multiples thèmes sont étudiés : les pratiques pédagogiques, le leadership scolaire, les pratiques professionnelles, la formation initiale et continue, le climat scolaire, la satisfaction professionnelle, les questions de ressources humaines, l’efficacité des enseignants, l’innovation, l’équité et la diversité. Je n’ai pas lu les 242 pages, mais j’en ai lu une partie et parcouru le reste.
Le Café pédagogique consacre plusieurs articles à la synthèse de l’enquête. Pour ma part, je n’ai pas été bouleversée par ce que j’y ai lu : on y retourne les mêmes constats et recommandations que dans ce type de rapport.
Côté spécificités françaises, les élèves à besoins spécifiques. Il semble qu’en France les enseignants soient confrontés à cette problématique davantage que dans la plupart des autres pays, et qu’ils ne se sentent pas suffisamment équipés pour se sentir efficaces.
Il apparaît aussi dans l’analyse du Café péda et de médias qui se jettent là-dessus avec avidité que l’indiscipline soit un problème particulier en France. Pourtant, les pratiques enseignantes en la matière suivent celles de leurs collègues d’ailleurs. Les enseignants débutants sont particulièrement en difficulté en matière de “gestion de classe” (thème sur lequel je vais écrire un autre billet car cela m’agace).
Sur l’innovation, je suis assez perplexe de façon générale. Je ne crois pas à l’existence de l’innovation, sauf en ce qui concerne les nouvelles technologies. On sait déjà beaucoup de choses quant aux pratiques efficaces, aux diverses possibilités qui s’offrent à nous, en fonction de nos personnalités, de nos publics, de nos styles pédagogiques. Les pratiques étiquetées innovantes dans Talis ne sont d’ailleurs pas forcément récentes. Le rapport aborde directement la question de l’innovation, page 81 par exemple.
Le Café péda relève que “seulement 26% des enseignants français invitent les élèves à résoudre des tâches complexes selon leur propre procédure contre 44% en moyenne dans l’OCDE. Ils sont seulement 26% encore à donner des tâches où la réponse n’est pas évidente (contre 34%). Par contre le travail de groupe est bien implanté (49% contre 50%) et c’est un gros changement depuis 2013 (+12%).”
Côté évaluation, les enseignants français fabriquent nettement plus que la moyenne leurs contenus d’évaluations, ils annotent de façon plus systématique, et pratiquent peu l’auto-évaluation (20% contre 41% en moyenne). Je pense que ces résultats correspondent à un surinvestissement de l’évaluation chez nous : notre système est globalement élitiste et évaluer prend une importance bien trop importante au sens de proposer des travaux écrits en temps limité. C’est d’ailleurs une limite de Talis, dans ce domaine comme dans d’autres : il faudrait se mettre d’accord sur ce que signifie évaluer avant de pouvoir lire ces montagnes de statistiques.
Il semble aussi que nous soyons plutôt négatifs : 72% des enseignants “disent aux élèves qu’ils vont réussir contre 85% en moyenne dans l’OCDE. 65% valorisent le travail des élèves contre 81%. Et sur ces points-là, les taux sont en diminution depuis 2013 comme si la bienveillance était devenue suspecte depuis qu’elle est portée officiellement.” Pourtant, la bienveillance est constitutive du métier d’enseignant. Être bienveillant, ce n’est pas servir la soupe. C’est donner de la valeur aux réussites, être exigeant, respecter les élèves en tant que personnes, en ayant toujours en tête le principe d’éducabilité, quoi qu’il arrive. C’est ne pas juger, mais évaluer pour emmener plus loin, toujours, quel que soit le point de départ.
La France fait figure d’exception avec sa formation initiale proposée en deux axes presque étanches : le master 1 travaille les compétences disciplinaires et le master 2 travaille les compétences professionnelles. Mais de ce fait “les enseignants français sont moins formés à la pédagogie et aux pratiques de classe, assure Talis : seulement 66% d’entre eux contre 79% en moyenne. Et les enseignants français sont aussi parmi ceux qui expriment le plus leur manque de formation pédagogique : 50%.” Et la formation continue n’est pas à la hauteur : “les enseignants français ont le plus faible taux des 33 pays pour la formation continue. De plus cette formation est moins diversifiée que dans les autres pays.”
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