C’est parti pour notre dernière journée belge du congrès des profs de maths francophones, avec une super intervention par un prof qui parle vrai et qui intéresse :

Les orthogones sont des polygones qui ont un angle droit (intérieur ou extérieur) en chaque sommet.
Je vous présente Nestor le castor. Nestor se déplace selon les lignes d’un quadrillage et doit revenir à son point de départ sans jamais faire demi-tour.

C’est un orthogone de type (2 ; 1 ; 2 ; 2 ; 4 ; 3) ou (1 ; 2 ; 2 ; 4 ; 3 ; 2) ou dix autres descriptions équivalentes. En revanche, une suite de nombres ne donne pas forcément un seul orthogone.

Il y a aussi des suites de nombres qui ne donnent pas de polygone, comme (1 ; 2 ; 3).
Michel Sébille a testé ses activités dans trois niveaux de classes :
- Dessiner un orthogone correspondant à :
(2 ; 1 ; 2 ; 1) (2 ; 1 ; 1 ; 2 ; 1 ; 1) (2 ; 1 ; 2 ; 1 ; 2 ; 1 ; 2 ; 1 ; 2 ; 1 ; 10 ; 5) (1 ; 2 ; 3 ; 4 ; 5 ; 6 ; 7 ; 8)
Le deuxième oblige à faire un polygone croisé. Le troisième est un exemple qui montre que quand on a un grand nombre dans la suite, il faut le « compenser ».
- Pourquoi ces suites ne donnent-elles pas d’orthogone ?
(1 ; 2 ; 1 ; 2 ; 1) (1 ; 2 ; 3. 4)
Le deuxième illustre un bon exemple de justification accessible aux plus jeunes, mais pas triviale du tout : comment dépasser « c’est possible parce que ça se voit ? »
- Donner une suite de longueur 6 à laquelle ne correspond aucun orthogone.
- Expliquer pourquoi il n’est pas possible d’avoir un orthogone avec (1 ; 2 ; 3 ; 4. 5 ; 6) ou (1 ; 2 ; 3 ; 4 ; 5 ; 6 ; 7 ; 8 ; 9 ; 10)
- Conjecturer pour quelles valeurs de n la suite (1 ; 2 ; … ; n) est possible, et argumenter la conjecture.
Alors quelles propriétés pour un orthogone ? Un orthogone a un nombre pair de côtés, déjà.
Et les golygones, alors ? Ce sont des orthogones dont la suite est du type (1 ; 2 ; 3 ; … ; n). Lee Swallows et Alexander Dewdney y ont travaillé, ainsi que Martin Gardner en 1991.
Un golygone (1 ; 2 ; 3 ; 4) n’existe pas. C’est assez facile à montrer par « épuisement des cas » :

Un golygone (1 ; 2 ; 3 ; 4 ; 5 ; 6) n’existe pas (on peut dégager n=5 puisqu’il y a un nombre pair de côtés). Pour voir tous les cas, il y a 16 possibilités, qui ne se ferment pas. Ca commence à devenir long…
Un golygone de type 8, ça fait 64 possibilités. Mais sur les 64 possibilités, il y en a juste une qui revient au point de départ.

En fait, on voit assez rapidement que les termes de la suite doivent vérifier certaines propriétés, selon la parité. Par exemple, dans un type 10, la somme des nombres impairs sonne 25, ce qui n’est pas divisible par 2, donc boum. C’est plus rapide que d’essayer toutes les possibilités.
La somme des nombres impairs successifs donne un carré parfait. Mais pour qu’un carré soit pair, il faut que le nombre de départ soit pair. On trouve assez facilement que n, le nombre donnant le type du pseudo-golygone, soit multiple de 4.
Est-ce que ça fonctionne pour un type 12, alors ? Hé bien non. La somme des pairs donne 42, ce qui donnerait 21 mouvements vers le haut et 21 vers le bas, mais 21 avec des nombres paris, cela n’est pas possible. Exit les types 12.
Cela amène naturellement à étudier la somme des pairs de façon plus générale :
2+4+6+…+2m=2(1+2+3+…+m/2)=m(m+1)
Comme m est pair, m+1 est impair. Pour que m(m+1) soit divisible par 4, m doit donc être divisible par 4. Mais si m est divisible par 4, c’est que n=2m est divisible par 8.
Essayons n=16, alors :
Mais a-t-on vraiment résolu le problème ? Et l’a-t-on bien posé ?

Est-ce qu’on a vraiment à chaque fois des polygones ? Nestor le Castor est-il un polygone ? On peut en discuter, à cause du point d’intersection. Si on accepte que c’est un polygone, pas mal de résultats vont être à revoir…

Par exemple, un triangle plat est-il un triangle ? parce que mes médiatrices des côtés ne se coupent pas…

Un article à lire sur le sujet : ici !

On peut faire d’autres choses, comme par exemple avec des angles de 60°. Bon, comment ça s’appelle, on ne sait pas trop.

On pourrait aussi s’intéresser à ce que ça donne en 3D, ou aux suites de nombres premiers : on peut compliquer à loisir… Avec une suite de nombres de Fibonacci, c’est beaucoup plus facile.
Voilà encore une très très chouette découverte, que j’ai très envie d’exploiter. Pour Noël, je vais demander des journées de 30 heures, je crois.
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