“A bas Euclide” “est le mot d’ordre lancé en 1969, par le grand mathématicien Jean Dieudonné. Il s’agissait d’en finir avec l’enseignement traditionnel des mathématiques où la géométrie tenait une place éminente”. C’est l’historien de l’éducation Claude Lelièvre qui écrivait cela sur son blog en 2009. C’était l’époque de la réforme des maths modernes.
Quel but poursuit-on dans nos civilisations modernes, en enseignant les mathématiques aux enfants? Certainement pas de leur faire connaître une collection de théorèmes plus ou moins ingénieux sur les bissectrices d’un triangle ou la suite des nombres premiers, dont ils ne feront jamais le moindre usage plus tard ( à moins qu’ils ne deviennent mathématiciens professionnels ) ; mais bien de leur enseigner à ordonner et enchaîner leur pensée selon la méthode dont se servent les mathématiciens, et parce qu’on reconnaît dans cet exercice un excellent moyen pour développer la clarté d’esprit et la rigueur du jugement . C’est donc l’essence de la méthode mathématique qui doit faire l’objet de cet enseignement, les matières enseignées ne devant en être que les illustrations bien choisies.
« L’abstraction en mathématiques et l’évolution de l’algèbre », texte de Dieudonné dans « L’enseignement de mathématiques », publication de la Commission internationale pour l’étude et l’amélioration de l’enseignement des mathématiques, Delachaux et Niestlé, 1960
Cette réflexion est toujours d’actualité. Il me semble qu’aujourd’hui on convient davantage que l’enseignement des mathématiques vise en effet à developper une certaine façon de raisonner, avec la valeur de la preuve, mais qu’il vise aussi à transmettre des connaissances. Outre les “fondamentaux” transmis à l’école élémentaire, certains domaines comme la proportionnalité, les statistiques, les probabilités, l’algorithmique sont vraiment indispensables pour comprendre notre environnement et l’actualité au quotidien. Il me semble que le calcul littéral et les fonctions permettent aussi de disposer de savoirs utiles, qui permettent de mettre en relation des objets dans tout un tas de contextes. Mais alors pourquoi enseigne-t-on le théorème de Pythagore ou les angles alternes-internes ?
Parce que ce sont des carburants riches pour appuyer des raisonnements et donner à voir l’histoire des mathématiques comme aventure humaine. On ne peut pas raisonner dans le vide, il faut bien des objets. Avec le théorème de Pythagore on travailler à fond la preuve et la logique, mais aussi les nombres (π se sent moins seul à l’école, avec les racines carrées), avec les angles alternes-internes on peut aussi amener à des démonstrations accessibles, et faire découvrir la mesure de la circonférence de la Terre par Eratosthène. Les homothéties permettent de développer le thème de la proportionnalité, avec les agrandissements-réductions, qui sont tout de même bien importants aussi. Le théorème de Thalès remobilise à nouveau la logique, la preuve, et permet de voir autrement les fractions. Et ainsi de suite.
Il faut bien faire des choix. Aucun choix ne plaira à tout le monde. Et c’est très délicat…
Mais quand même, “A bas Euclide”, ça me parle. C’est une provocation, certes, mais pas seulement. Si on enseignait qu’il existe d’autres types de géométrie, on ouvrirait encore le regard. On montrerait que la géométrie euclidienne est une construction, qu’on peut énoncer des arguments solides pour justifier que c’est la géométrie la plus étudiée à l’école, mais on pourrait aussi travailler sur d’autres géométrie. La géométrie sphérique permet de modéliser ce qui se passe sous nos pieds, quand même. Et cela revient sur l’idée de vrai, sur les infinies possibilités d’imaginer en mathématiques, sur ce qu’est une théorie…
Je ne suis pas pour un “à bas Euclide” ; je préfèrerais une cohabitation, je crois.




Bon allez, j’arrête de rêver. Je vais m’occuper de mes roulés à la cannelle.
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