Mes bonheurs-ricochets, c’est quand des élèves comprennent quelque chose qui n’était pas l’objectif central prévu, mais que c’est super important. Aujourd’hui, c’était en quatrième. J’avais décidé de déployer l’activité de mon collègue Gani, activité sur la résolution d’équations, qu’il met en oeuvre avec moi en co-enseignement avec une autre classe de quatrième (trop chouette). Avec Laura, nous avions pensé des modifications pour que l’activité s’adapte aux niveaux très variés de ma classe, et corresponde à notre programmation. Je ferai bientôt un article pour raconter cette séance, mais ça va être un peu long à faire et là je n’ai pas trop le temps.
Donc, j’en reviens à mon joli ricochet. Une élève manipule pour résoudre une équation. Elle obtient une représentation matérielle de 2x = 8. Elle demeure perplexe : comment savoir ce que vaut x ? Car cette élève ne possède pas la division, ce qui complique l’acquisition de nouvelles compétences, forcément. Mais comme l’activité permet de manipuler, et que l’élève est vive et pleine d’initiative, elle cogite et je la vois prendre un des cubes de numération composant le nombre 8, et le poser sous un des pions qui représentent x. Elle en saisit un autre et le pose sous le “deuxième x”. Elle recommence jusqu’à épuisement des cubes et m’appelle : “madame, est-ce que ça veut dire que x ça vaut 4 ?” J’acquiesce, et je la vois s’illuminer. “Je crois que j’ai compris, madame. Je fais celle d’après”.
Elle bidouille son équation, et passe de 4x + 2 = x + 17 à 3x = 15 sans difficulté. Ca, les questions d’équilibre, elle a compris. Si j’enlève des unités d’un côté, je fais pareil de l’autre. Si j’enlève un x d’un côté, j’enlève un x de l’autre. Parfait. Avec elle on n’est pas encore à la modélisation par la représentation algébrique, mais ce n’est pas grave : elle donne du sens à ce qu’elle fait et je sens grandir cette énergie en moi, caractéristique de quand il se passe un truc vraiment important dans la tête d’un élève.
Devant 3x = 15, elle recommence ses paquets, unité par unité. Mais elle constitue bien trois paquets. Elle obtient x = 5, et m’appelle à nouveau pour valider. Là, elle me dit deux choses :
- Madame, j’ai remarqué quelque chose : c’est parce que 3 x 5 ça fait 15 qu’on a 5 unités pour chaque paquet, non ?
- Mais vous l’avez fait exprès, les nombres, là, non ? Parce que y en a jamais qui restent. Comment je ferais s’il y en avait qui restaient ?
Alors nous avons développé : oui, il y a un rapport avec 3 x 5, et comment alors anticiper le résultat avant même de faire la manip ? Evidemment, là, il faut les tables, pour cette élève, sinon c’est trop de paramètres. Mais elle m’a dit elle-même : “Mais madame, c’est ça, la division, non ? On fait des paquets et on cherche combien on met d’unités par paquets ? C’est ça, non ???” Hé oui. Alors nous sommes parties ensuite sur “s’il en reste” : ça s’appelle effectivement le reste, dans la division, et en effet j’ai fait exprès que le reste soit nul. Nous avons pris un exemple où le reste aurait été de 1 pour 2 paquets, de 4 pour 8 paquets, et nous sommes convenues que non, nous n’allions pas couper mes cubes de numération en deux.
Mais cette élève est repartie super fière, dynamisée par sa nouvelle compréhension de la division et par sa première approche réussie de la résolution d’équations.
Et moi, bin pareil.
