Depuis aujourd’hui, dans mon collège, les élèves n’ont plus le droit d’aller en classe seul(e)s à la première heure de chaque demi-journée et après chaque récréation. Ils doivent se ranger dans la cour dans les espaces indiqués, correspondant à leur classe. Il y a quatre ou cinq ans, avant le covid, nous avions expérimenté qu’ils se déplacent sans que nous allions les chercher, et nous avions conservé cette mesure : d’une part les élèves arrivaient tôt en classe, d’autre part il y avait moins de bousculades dans les couloirs parce que des groupes entiers ne passaient pas pile en même temps. Enfin, je pouvais ainsi rester dans ma classe et accueillir les élèves avant 8h, avant 13h40 et à chaque récré.

Ce dispositif avait perduré à cause du covid. Et là, les mesures anti-covid, c’est fini. Du coup bim, pour des raisons de sécurité et de responsabilité, plus d’élèves autorisés dans les couloirs aux interclasses. Or pour se rendre jusqu’à ma salle, il faut passer par lesdits couloirs. Et de toute façon, je ne peux plus accueillir les élèves alors que je dois sortir pour aller chercher des classes : je ne peux pas gérer les élèves qui terminent de ranger un jeu, être à l’heure dans la cour, ou laisser des élèves seuls dans la classe.

Alors entre les heures de cours, je suis toute seule.

J’ai essayé de me consoler en me disant que j’allais gagner en repos : un peu de silence, un peu de temps. C’est vrai. Pas de pion par terre, pas de chaise déplacée, mêle pas de jeu utilisé, ni bande dessinée qui traîne. Mais surtout je ne vois plus certains élèves qui venaient se reposer eux-mêmes, celles et ceux qui ne se sentent pas très bien dans la cour, qui aiment se poser et lire, échanger avec moi, dont certains sont fragiles, pour qui le collège n’est pas un endroit neutre, et peut être même difficile. J’ai passé la journée à refouler de jeunes gens déçus, voire dépités.

Je vais m’habituer, forcément.

Ou pas.

C’est vraiment pour les élèves que je suis au collège.

C’est pas très rigolo.