Je suis contente. Je viens de corriger une évaluation flash sur les fractions en 5e, à partir de l’excellent MathsMentales. Les élèves s’étaient entraînés sur 43 questions de calcul, une fois activités, exercices et leçons terminés, et on ensuite composé sur 43 questions similaires, dans le même temps imparti. Bon déjà, on voit que des outils tels que MathsMentales permettent de faire faire une petite centaine de calculs à des élèves en nettement une heure, remédiation incluse, et ça en soi déjà c’est assez extra.

Mais je voulais, en plus des fractions, apprendre autre chose à mes élèves, quelque chose de fondamental et qui résiste : gérer son stress et valoriser ce qu’ils et elles savent faire. Ne pas se concentrer sur ses erreurs, ses non-réponses et les sentiments négatifs et inhibants que cela provoque, mais se préparer à la suite, surmonter, construire. Autrement dit, si je vois que ça va trop vite pour moi, je réponds à une question sur deux et je souffle pendant celle que je saute, en me préparant à la prochaine. Un élève qui répond juste à 5 questions sur 10 en ayant laissé 5 questions de côté m’indique qu’il a encore des faiblesses en calcul mental, puisqu’il ne va pas encore aussi vite que je le voudrais, mais il a les méthodes, et ça, c’est une information très importante pour moi, pur l’évaluer à son juste niveau de compétences. De même, j’avais expliqué avant : j’ai deux fractions de dénominateurs différents à additionner. Ces dénominateurs sont multiples. Si j’indique sur ma copie par quoi je sais devoir multiplier numérateur et dénominateur d’une des deux fractions, c’est déjà ça; Si j’indique à quoi est égale cette fraction, c’est encore mieux. Si je peux écrire le calcul qui me permettrait de conclure, c’est presque super. Et si je calcule le résultat, bravo.
Hé bien ça y est : les élèves de mes deux classes sont enfin fait ça, mettre en valeur leurs compétences, même inabouties. Et leur taux global remonte, évidemment !




Alors là, on tient le bon bout. Et elles ils me font confiance.
J’ai toujours été révulsé par les épreuves de rapidité. Pour moi, l’important est de comprendre les choses en profondeur, pas de transformer les gens en machines, sauf nécessité (médecins urgentistes, pompiers,…), et avec des personnes volontaires. J’ai toujours été en colère contre les évaluations et examens où la sélection se fait par la vitesse, et j’essaie de ne pas faire celà avec mes élèves à la Fac. Combien de fois suis-je sorti d’une salle d’examen de 2 heures en me disant “j’ai tout compris, j’aurais été parfaitement capable de tout faire et d’avoir 20/20, mais en 4 heure, 6 heures ou 10 heures”. Je précise que ni la résistance au stress, ni la vitesse ne figurent dans les objectifs pédagogiques décrites dans les syllabus de mes enseignements. Je ne pourrais pas enseigner dans des préparations de concours, celà me poserait un problème de conscience.
Je comprends. J’ai quitté l’enseignement en fac de médecine précisément pour cette raison. Pour la part, je vois la rapidité comme un élément de compétence dans le domaine du calcul mental. Mais pour pouvoir travailler dessus il faut l’adhésion des élèves, qu’ils comprennent justement qu’il n’est jamais question de compétition, mais qu’il est toujours question de développer ses propres compétences.
Pour le calcul mental, si on va trop lentement, le début du calcul s’efface de notre mémoire de travail avant qu’on ait terminé le reste du calcul, donc on échoue. C’est une sorte de course contre la transience de notre mémoire à court terme. J’imagine que, bien que désagréable et inconfortable, ce genre d’exercice peut être utile.
Mais ça me paraît surtout essentiel de s’entrainer à utiliser du brouillon. L’usage du brouillon “décuple” nos capacités de raisonnement. Il m’arrive souvent d’essayer de résoudre des problèmes “dans ma tête” parce que je n’ai pas de tablette ou papier sous la main, par exemple quand je suis au lit et que j’ai la flemme de me relever. Même avec une vie de pratique de ces activités d’insomniaque, je me rends compte que je suis considérablement plus efficace dès que je peux écrire sur du brouillon. Or, beaucoup de mes élèves (bac + 2 à bac +5) n’utilisent pas de brouillon, et ces élèves sont toutes et tous en difficulté. Iels ne savent pas utiliser du brouillon, ne semblent jamais avoir développé cette compétence essentielle pour analyser, décortiquer, essayer, faire des hypothèses, les vérifier, constater des problèmes, des incohérences, recommencer, etc.
Ah oui! Le brouillon est indispensable. Tout le temps. Dans ma classe il y a une grande pile de feuilles de brouillon et chacun(e) peut aller en chercher sans autorisation.
Par ailleurs, je ne crois pas que pour la majorité des élèves l’exercice en temps contraint soit désagréable. Je les regarde, ils sont concentrés, focalisés, mais nous échangeons des sourires. Parfois je donne des coups de pouce, j’encourage ou j’explicite au fil des questions qui passent. Nous négocions la durée de chaque question ensemble pendant l’entraînement. Et la partie évaluée est la même, aux nombres près, que l’entraînement. Enfin, les élèves savent qu’ils seront réévalués sur les mêmes compétences et que les non acquis disparaîtront au profit des acquis une fois que ce sera le cas.
Je ne peux résister à donner mon avis… la vitesse et le stress…
Je ne suis pas plus que Claire un extrémiste de la vitesse mais dans le calcul mental ou plus généralement dans le développement d’automatismes nécessaires, il faut, à certains moments, prendre conscience du besoin d’évolution, de la nécessité de remettre en cause des stratégies certes éprouvées et réconfortantes mais lentes ou limitantes.
Et la, il faut convaincre et ce n’est pas toujours évident parce que ma méthode, je l’aime vraiment bien. Elle me rassure tellement.
Pour pratiquer comme Claire des entraînements réguliers à “La Course aux nombres”, la aussi, un temps limité. 9 minutes peut paraître une aberration, un facteur excluant pour certains. Pas du tout ! Pour un même calcul, une même situation, on compare nos stratégies, on mesure leur efficacité respective, on sélectionne la plus efficace suivant le contexte et vous voyez réellement et physiquement des éclairs de compréhension, des prises de conscience.
Pire, mon dieu, pas de brouillon non plus ! Parce que effectuer 108 + 35 avec une feuille disponible ou uniquement par manipulations mentales n’est pas du tout la même chose.
Temps limité et brouillon interdit, oui ! Parfois…
Résistance au stress et vitesse ne sont pas des objectifs pédagogiques, du tout.
Juste des éléments soit qu’il faut aider à gérer soit qu’il faut utiliser comme variable didactique.
Stéphane