Aujourd’hui, mes élèves de sixième ont réfléchi sur une évaluation de synthèse. Je me doutais qu’elle serait un peu longue, et en effet une bonne moitié des élèves n’avait pas terminé au bout d’une heure. Mais je les avais deux heures consécutives, et comme il y a avait une récré entre deux, ils sont allés prendre l’air ou ont joué dans la classe avant de s’y remettre. J’avais prévu du travail en autonomie, pour les plus rapides, qui ont donc fait très joyeusement des maths. Et j’ai pu attendre que toutes et tous aient terminé. Je préfère vraiment ça : le temps de composition joue dans mon évaluation des compétences, mais au moins je peux vraiment évaluer puisque rien ne demeure non traité pour manque de temps.

J’étais bien contente aussi de toutes les questions que me posent les élèves. Les enfants ukrainiens n’hésitent pas à demander de l’aide, et je traduis ce qui est nécessaire, en m’aidant du matériel que j’ai préalablement sorti. Par exemple, j’avais une question sur l’épaisseur d’un dictionnaire, alors j’avais sous la main un dico. Les non scripteurs font appel à moi lorsqu’ils voudraient écrire et ne peuvent pas, et tout le monde me demande des explications quand un exercice pose problème ou qu’un doute demeure sur la consigne, alors qu’ils et elles veulent tellement me donner ce que j’attends. Les élèves m’interrogent : “quand vous dites choisis au moins une des deux figures, je peux en choisir deux, si j’ai envie ?” ou “si en plus je fais deux méthodes, j’ai le droit ? Vous serez contente ?” ou encore “ça vous dérange, si je colorie ? Parce que j’ai fini, et je voudrais que ma copie soit jolie, ce sera plus agréable pour vous !” Sans compter les “vive les maths” dans le coin des copies. Bref, c’est un peu le rêve, ces gamins.

Mais ma véritable victoire de ce matin, c’est K. K est un enfant pour qui certains domaines des maths sont vraiment ardus, alors qu’il est brillant, voire fulgurant dans d’autres. Mais là où il a des difficultés, elles sont vraiment très résistantes. Et cela frustre K, terriblement. Au point de se crisper, de tendre tout son corps, de se recroqueviller sur sa chaise ou de pleurer de rage. C’est douloureux. Quand il est en réussite, il est lumineux, K. Mais il a tellement peur de se retrouver en difficulté qu’il avait du mal à me demander des explications, jusqu’ici. Je le surveillais comme du lait sur le feu, guettant la moindre moue (il a une façon bien particulière de se mordre la lèvre inférieure, quand ça coince) pour apporter une explicitation bienvenue. Hé bien ce matin, pas besoin : K a levé bien haut la main et m’a demandé : “madame, je comprends pas la consigne alors que je crois je saurai faire. Tu m’aides ?” Avec grand plaisir, K. Il n’a même pas fallu mener mon explicitation jusqu’au bout, K a compris en cours de route et a commencé à résoudre son exercice sans plus m’écouter. Car il a une grande, grande volonté de réussir, de faire, de se sentir compétent. K a peut-être remarqué que des explicitations, j’en ai apporté plein plein, dans la classe, y compris pour des élèves dits “ordinaires”. Les évaluations sont sans doute parmi mes heures les plus fatigantes, je crois : en plus des questions posées, je vérifie que personne n’est silencieusement coincé, je cherche des adaptations de tous ordres, en gardant à l’esprit ce que je veux évaluer.

Un peu plus tard, K m’a rappelée : “regardez, madame, j’ai fait tout ça. J’ai mis un point de couleur là où je comprends pas, comme ça vous pouvez tout m’expliquer d’un coup”. C’était une très bonne initiative. Je me doutais bien que K ne retiendrait pas plusieurs explications d’affilée, et en effet il s’est rendu compte tout seul que mieux valait me rappeler plutôt que de surcharger sa mémoire vive. Mais tout cela montre des progrès en profondeur.

Et du coup, bin je suis bien contente.