Ma fille est venue animer une séance d’origami. C’était formidable. Pour le moment, l’ensemble de la séance n’a été déroulée qu’en sixième ; demain nous terminons avec une classe de quatrième et les cinquièmes s’y mettent. Voici mon bilan pour les élèves de sixième.
Les objectifs
Le but de tout cela, concrètement, c’est de fabriquer un objet mathématique en modules phizz, le pus grand possible, en collaboration entre 5 classes, dans ce style :

Mes objectifs a priori étaient de développer chez les élèves :
- La capacité d’inhibition, pour écouter les consignes sans se lancer n’importe comment
- L’acceptation et le traitement de l’erreur
- La recherche de précision
- La motricité fine
- La perception de l’objet “plat” dans l’espace
- La compréhension des codages
- Le vocabulaire élémentaire de la géométrie : côté, médiatrice, bissectrice, médiane, diagonale, sommet.
De mon côté, j’avais comme objectif de mener une séance inclusive : avec ma fille, nous avions pensé les consignes pour qu’elles soient accessibles aux non lecteurs et aux élèves allophones. Pour le pliage, nous avions prévu des feuilles qui avaient été pliées et que nous avions dépliées, pour les hyperlaxes et les dyspraxiques.

Le plan de la séance
La séance a duré 1h20min :
- Introduction : on va faire de l’origami, mais ok, c’est chouette et vous êtes super contents, cependant si vous faites du bruit on n’y arrivera pas ;
- Exposition du plan de la séance : je montre ce à quoi nous voulons arriver, j’annonce que nous espérons entre 300 et 800 modules phizz, avec 5 classes impliquées, mais qu’il va falloir être super précis car pour être utilisables, les modules doivent être bien réalisés ;
- Je distribue la fiche notice, qui explique les codages, et je les explicite ;
- Je montre le poisson et j’explique que nous allons d’abord en réaliser un sur papier unicolore, avec la fiche de consigne associée et Alice qui montre pas à pas sous la visualiseuse. Une fois ceci fait, chaque élève refera un poisson en autonomie pour vérifier qu’il ou elle a bien compris les codage, les plis, la qualité attendue de ces plis, mais sur papier bicolore, pour se faire plaisir ;
- Ensuite, nous laissons aux élèves le temps de réaliser leurs poissons, et nous circulons pour les aider. Celles et ceux qui ont fini peuvent aller prendre une autre feuille unicolore et un des modèles “expert” pour plier d’autres objets ;
- A un moment donné, j’arrête tout le monde, et nous distribuons le modèle du module phizz, et nous plions le premier ensemble, avec Alice qui montre à la visualiseuse. Elle insiste bien sur le fait que si on se trompe de sens à un moment donné, le module ne sera pas emboîtable. De même, si les plis sont mous ou de travers, le module ne sera pas utilisable ;
- On laisse les élèves faire, des modules, puis d’autres modules et/ou des pliages experts ;
- En fin de séance, j’ai proposé que chacune et chacun emmène des petites feuilles pour continuer pendant les vacances et nous les ramener à la rentrée. Bon bin j’ai plus de petites feuilles.
Le bilan
Comment écrire le bonheur que j’ai ressenti pendant cette séance ?
Peut-être avec des exemples :
- N, élève ukrainien qui ne parle pas français, qui souvent a du mal à se mettre dans la tâche (et je le comprends, mais je lutte), a été en activité comme jamais je ne l’avais vu. Il a terminé en me montrant “bissectrice” et “médiatrice”, a réalisé de nombreux modules et a emporté des feuilles pour aller en faire avec les copains pendant les vacances : il avait réussi à aider d’autres élèves. Donc la forme des fiches explicatives, pour les élèves allophones, c’est ok. Mon autre élève ukrainien a réalisé 64 modules pendant la séance en classe…
- L, élève hyperlaxe, a commencé avec sa feuille pré-pliée, a loupé son deuxième poisson à partir, selon son voeu, d’une feuille pas prépliée, puis a réussi son premier module phizz et à partir de là a enchaîné, allant voir ma fille en sautillant à chaque réalisation pour qu’elle valide. Il était si lumineux, c’était formidable. Il a exprimé explicitement sa fierté et j’ai vu ma fille elle aussi très fière d’elle, et émue par le bonheur de ce petit bonhomme pour qui l’école, c’est une bagarre permanente. Donc prévoir des appuis pour ensuite faire s’envoler, ça marche ;
- A, G, G, I, C et pas mal d’autres ont été rapidement très. l’aise et se sont lancés dans le pliage d’autres objets. Evidemment la grenouille a eu son succès, mais des élèves ont réalisé la fleur ou l’oiseau tout seuls. Donc les fiches qu’a fabriquées ma fille sont fonctionnelles ;
- L, G, A, M et d’autres ont demandé, dans la classe, bien fort : “qui est-ce que je peux venir aider ?” Ils sont extra, ces gamins. Mais quand même parfois je me dis que j’ai réussi quelque chose, qu’ensemble nous avons construit un lieu d’apprentissage positif ;
- Les élèves ont réalisé 334 modules, en plus des poissons de de tas d’autres trucs; Ils sont partis avec beaucoup de papier : je dois aller en acheter de nouveau aujourd’hui, du coup.
En cerise sur le gâteau, il y a ma fille. Ma fille qui prend la parole devant toute une classe, qui vole de table en table pour aider, qui ressort en me disant comme elle aime ça, la médiation ludico-mathématique, comme elle se surprend elle-même à réaliser tout ceci. Je suis infiniment fière d’elle, aussi.
La suite
Demain, nous menons ces séances avec trois autres classes. Et à la rentrée avec la classe qui est partie en voyage cette semaine. Et ensuite il sera temps de monter les modules en une grande, grande merveille.
Les documents
Les fiches de consignes ont été réalisées par Alice, discutées ensemble, modifiées, testées avec notre famille venue déjeuner, et remodifiées éventuellement :





Je suis très touchée que vous ayez pensés aux élèves en situation d’handicap