Entretien avec Pierre Mathiot : nerfs délicats s’abstenir

Pierre Mathiot a délivré fin mars un entretien sur le blog L’essentiel du Sup. Il y parle de Parcours Sup (“Pour paraphraser Churchill, Parcoursup est le moins bon des systèmes à l’exception de tous les autres”, énigmatique phrase venant de monsieur Mathiot, je trouve), du bac, des classes prépa, et des maths.

Je vais ici me limiter aux maths.

A la question du journaliste, Olivier Rollot, sur l’heure et demie de mathématiques pour tous les élèves de première n’ayant pas choisi la spécialité mathématiques, Pierre Mathiot répond ceci :

Dans mon rapport sur la futur lycée remis en janvier 2018 j’avais proposé des maths pour tous les élèves en classe de 1ère je suis donc assez tranquille avec ce sujet. Et il y a un an, j’ai coordonné un comité consultatif sur la place des mathématiques au lycée. Je pense que la question a été en partie mal posée par des acteurs du système qui ne parviennent pas à assumer la remise en cause de la suprématie des mathématiques.

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Je l’avoue, j’ai ri, toute seule devant mon ordi. Bon, c’est peut-être la conjonction de l’effet des antibios et de la cortisone, l’afflux d’oxygène qui me rend hilare, mais j’ai ri. La suprématie des mathématiques, elle date un peu, en fait. Elle est même bien loin déjà. Et en soi cela ne me dérange pas : il n’y a pas lieu qu’elle existe. Ce qui m’embête davantage, c’est que c’est le contraire : à force d’être gouvernés par des personnes qui ont ignoré les mathématiques, qui n’y entendent tellement rien qu’elles n’ont même pas conscience de leur utilité et de leur nécessité, la culture mathématique, appliquée et théorique, concrète et historique, est passée à la trappe. Que tous et toutes fassent de l’histoire géo, par exemple, ça c’est important : il faut savoir apprendre de ses erreurs passées. Attendez donc les prochaines présidentielles, tiens, et on en recause.

Je ne crois vraiment pas qu’il soit adapté d’imaginer que qui que ce soit aurait du mal “à assumer la remise en cause de la suprématie des mathématiques”. Ah voilà, ça me fait rire à nouveau. D’ailleurs Pierre Mathiot lui-même le reconnaît juste après : cela fait 20 ans selon lui qu’il y a décrochage en maths.

Dans la suite de l’entretien, Pierre Mathiot déclare :

On doit faire en sorte – ce qui sera le cas à partir de la prochaine rentrée -que les lycéens qui ne suivent pas l’enseignement de spécialité de maths bénéficient d’une formation minimale à des mathématiques « pour tous » ou « citoyennes », qu’ils disposent d’une culture du calcul, de la logique… cela leur servira dans leur vie future mais ce n’est pas du tout la même chose que l’enjeu des maths « pour ceux qui aiment les maths »

Hé bien là, pour le coup, je trouve que cela soulève pas mal de questions :

  • Est-ce si sûr, que ce n’est pas du tout la même chose ? Au niveau scolaire, je ne suis pas certaine ;
  • Les maths ne servent pas seulement dans la vie future des jeunes, mais aussi dans leur vie là tout de suite maintenant ;
  • Si l’objectif est le développement du calcul et de la logique, a-t-on besoin de faire des maths jusqu’au lycée ? Là aussi, je m’interroge : les compétences de calcul de fin de cycle 4 devraient suffire largement, et on travaille beaucoup la logique en cycle 4 également. De ce fait, quid des objectifs de l’enseignement des maths en première, pour les non spécialistes ?
  • Les spécialistes sont des élèves qui veulent faire des maths, qui en ont besoin. Malheureusement ils et elles n’aiment pas forcément les maths. Et inversement il y a des élèves qui aiment les maths mais, qui par le fait de devoir se cantonner à deux spécialités seulement en terminale, les abandonnent à regret
  • Pourquoi c’est entre guillemets, « pour ceux qui aiment les maths »?

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