En bonus, qu’est-ce qu’une moyenne ?

Aujourd’hui, sur le Monde, j’ai lu ceci :

Les sommes destinées à l’ensemble du corps enseignant doivent se traduire par des augmentations “de 100 à 230 euros nets par mois”et faire en sorte que plus aucun enseignant ne gagne moins de 2000 euros mensuels. Mais cette augmentation, qui représente un bonus moyen de 10%, ne tient pas exactement la promesse faite par Emmanuel Macron lors de la présidentielle d’une hausse de 10% pour tous.

Article du Monde du 22 avril 2023

Pas exactement, en effet.

Déjà, le mot “bonus” est assez bien choisi : dans ce “bonus”, il n’y a qu’une petite part de revalorisation. En fait, une prime ne peut pas être considérée comme une revalorisation : une prime, ça va, ça vient. Une revalorisation doit être dans le salaire et participer à la retraite. Quant à un “pacte” (Mais qui a choisi ce mot ??? Est-ce de la provocation pure ?), je ne veux même pas en parler plus avant. Mais stop, je veux parler maths.

Ce qui m’intéresse c’est que depuis quelques jours années certains médias (je vous laisse deviner lesquels, c’est facile comme question, mais pas le Monde, c’est déjà ça) confondent allègrement augmentation pour tous, augmentation moyenne et moyenne des augmentations. Je comptais donc me placer au niveau cycle 4. Comme à chaque fois pour éviter les bêtises, je suis allée lire les programmes. En fait, dans les programmes, il n’y a pratiquement rien sur la question qui m’occupe aujourd’hui : la moyenne est juste citée sans autre développement en cycle 4, mais pas du tout en cycle 3. Quant aux pourcentages, on doit savoir les appliquer en fin de cycle 3 et résoudre des problèmes relevant de la proportionnalité en cycle 4.

En classe, nous allons évidemment bien plus loin. Nous apprenons aux élèves ce qu’est un pourcentage, ce que signifie le symbole %, en le mettant en lien avec la numération, toujours en construction. Nous calculons des pourcentages de pourcentages. Nous enseignons comment résoudre des calculs de pourcentage par de multiples méthodes : la linéarité additive, la linéarité multiplicative, le retour à l’unité… En parallèle, nous travaillons la moyenne, ici aussi par des entrées diverses. Par exemple, je trouve utile d’expliciter vitesse moyenne et moyenne des vitesses. C’est tout simple, et toutes les moyennes sont concernées par la question. Mais manifestement, tout le monde n’a pas compris. Il faut dire que c’est encore plus complexe puisqu’il s’agit d’une moyenne de pourcentages.

Une hausse de 10% pour tous, c’est simple : on prend le salaire de chacun, on lui ajoute 10% (pour ça, il suffit de le multiplier par 1,1 car 1,1=1+1/10). Dans ce cas-là, on a une augmentation identique (en %) pour tous.

Maintenant, si pour un salaire 1 de 1300€ on augmente de 20%, on amène le salaire à 1560€. Imaginons qu’un salaire 2 de 3000€ ne soit pas augmenté. On peut toujours dire qu’on a augmenté les salaires en moyenne de 10%, sous prétexte que (0+20)/2=10. Mais personne n’a été augmenté de 10%.

Et on n’a pas distribué 10% de plus, d’ailleurs : si on calcule le pourcentage d’augmentation globale, on obtient 6% :

Ce que cela met en évidence, c’est q’on peut très très vite raconter n’importe quoi dans les médias, tordre les nombres dans tous les sens pour répandre un message, même faux, ou simplement se tromper. Un petit coup de pourcentage par-ci, un ou deux mots mathématiques mal utilisé par-là, et zou. La seule opération que maîtrisent nos décideurs, c’est bien la division.

One comment

  1. Le graphique présentant l’évolution du salaire par rapport au SMIC est à mettre en perspective avec le niveau de recrutement demandé dans le même temps…

    En 1980, le recrutement se faisait à BAC+3 tandis qu’en 2022, il se fait à BAC+5 !

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