J’ai écrit tout à l’heure un article sur un album qui parle du déracinement des enfants dont les familles fuient la guerre, et cela m’a rappelé un moment d’intense émotion la semaine dernière.
J’ai quatre élèves qui ont fui la guerre, dans une classe. Pas la même guerre, mais la même violence. Si tous et toutes le ressentent, le soulagement d’être en sécurité est vécu différemment selon les enfants et aussi selon les moments. Certains ont laissé derrière eux des proches, voire des très très proches. Et puis “leur” pays, c’est compliqué à définir, du coup.
En particulier, un élève qui commence à bien parler français participe avec régularité et enthousiasme. Jusqu’ici, cet élève me disait souvent des choses du type “chez moi, la division on la pose comme ça…”, “chez moi, on note ça de cette façon…” Et la semaine dernière, il m’a dit :
Dans mon école d’avant, …
C’était la première fois. Peut-être n’est-ce pas du tout signifiant, mais quand même, peut-être que si. Peut-être il soigne un peu son déchirement si profond et si intime. Cette parole m’a vraiment touchée. Dans cette expression, “Dans mon école d’avant”, il y a un maintenant qui existe différemment.
Je me demande si nos élèves mesurent comme nous les écoutons, comme nous analysons leur langage, le choix des mots, les pauses et les soupirs. Sans doute pas : ils ne seraient pas aussi naturels. Tant mieux.
