La deuxième partie de la séance (la première partie est ici) pour les CM2 a pour but d’emmener vers la modélisation. Pas forcément de faire comprendre ce qu’est une fraction comme ça, là tout de suite. Mais de faire comprendre ce que va être le but et la progression d’une partie de l’enseignement de maths au collège.

On extrait de notre pochette de briques les deux briques du haut. On efface de nos cerveaux l’unité-8 picots, et on se fixe à présent sur cette brique orange comme référence d’unité. Que représente alors la brique bleue ? J’ai rencontré deux types de classes : quatre classes m’ont répondu 4/6 et deux m’ont répondu “deux tiers”. Dans les deux cas, nous avons transformé pour obtenir 4/6 et 2/3 en expliquant le passage de l’un à l’autre, et en empilant sur l’unité des briques-tiers, de 2 picots.
Alors là, j’ai prévenu les enfants : attention, ça va swinguer. Je vais poser une question compliquée. Compliquée à comprendre dans sa formulation, et dont la réponse n’est pas simple :
Je voudrais faire deux lignes de briques : une ligne avec des briques unité exclusivement, et une avec des briques “deux tiers” seulement. Mon but est de trouver combien en poser de chaque pour que les deux lignes aient la même longueur. Là, avec une brique deux tiers et une brique unité, l’unité dépasse. Mais si je pose une autre brique deux tiers, c’est la ligne de briques deux tiers qui dépasse. Comment faire ?
Toutes les classes ont trouvé : il faut trois briques deux tiers et deux briques unité. Parfois les élèves l’ont réalisé expérimentalement, parfois ils m’ont dit que c’est parce que 13 est dans la table de 3 et de 4, ou que c’est parce que “2×6 et 3×4 ça fait pareil”.
Bien bien bien. Super. Et là, pour l’exemple du bas ? C’est plus long, mais les élèves trouvent collectivement, parfois après plusieurs essais infructueux : il faut 3 briques unités et 8 briques “3/8”.
Là, je fais mon show. Je marche dans un sens, dans l’autre, en prenant un air concentré et interrogatif. Il n’y aurait pas un truc, là ? Deux classes ont réussi à le formuler, et j’ai montré aux autres : quand j’ai des briques 2/3, il me faut 2 briques de l’un et 3 briques de l’autre. Quand j’ai des briques 3/8, il me faut 3 briques de l’un et 8 briques de l’autre… Oh-ooooh…
Vous verriez la tête de certains élèves à cet instant, c’est magnifique. La lumière s’allume : ils reconnaissent une forme. Je ne prétends pas qu’ils comprennent la fraction comme nombre, en si peu de temps et si tôt. Mais je veux juste provoquer une rencontre avec ce concept, et elle est réussie. Et je veux les emmener vers la représentation pour modéliser.
J’annonce: voilà comment je fais écrire cela dans la synthèse, en sixième :

Les élèves cherchent et reconnaissent un modèle : ils verbalisent ce que représente la fleur et ce que représente le soleil dans les deux exemples. Puis je demande : mais pourquoi est-ce que je préfère ça, d’après vous ? Et là, magie : dans toutes les classes il y a eu des élèves pour me répondre “parce que ça, ça marche tout le temps”.
Hé oui. C’est ça, modéliser. C’est trouver comment ça marche. Et le collège va vous permettre de comprendre POURQUOI ça marche comme ça. Tiens d’ailleurs, vous voulez que je vous montre comment on écrira la même propriété en cycle 4 ? (ouiiiiiiiiii, évidemment )

On ré-analyse : ça veut dire quoi ? Pourquoi c’est pratique ? Pourquoi c’est plus pratique que des dessins ? Et je développe : attention, là nous venons d’ouvrir une fenêtre vers le collège. Vous ne sortirez pas de ma classe aujourd’hui en ayant tout compris, et peut-être n’avez-vous pas compris, au fond, d’ailleurs, le sens de la propriété que je vous ai présentée sur les fractions. Mais ce n’est pas grave, parce que vous avez du temps devant vous, le temps de grandir et d’apprendre. Et ça va être super. Par contre, je pense que vous êtes capable de comprendre pourquoi un modèle c’est utile et puissant. On va essayer de vérifier ça.
[…] Si vous avez manque les épisodes précédents, la partie 1 est là et la partie 2 est ici. […]