Jacques Attali a publié sur son blog, le 29 juin 2023, un article intitulé :

Alors bon, voilà qui ne peut pas faire de mal : Jacques Attali évoque les “belles joies intellectuelles” que lui ont apporté les mathématiques, ce que je partage. Il nie la bosse des maths, très bien. Il écrit :
Alors, quand on parle de sobriété, il faut se souvenir que rien ne serait plus stupide qu’une sobriété de toutes les activités de l’esprit. Cesser de gaspiller de l’énergie fossile, oui. Cesser de consommer des sucres artificiels, d’acheter des vêtements de la fast fashion, bien sûr.
Mais ne jamais être sobre dans l’acquisition des connaissances, dans la pratique de l’art, dans la conversation, dans le débat. Ne jamais cesser d’apprendre et d’abord d’apprendre des mathématiques.
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Evidemment, j’approuve, et c’est bien tourné. Et puis Jacques Attali décrit le “vertige” de la découverte de l’univers mathématique, et le mot est en effet bien choisi.
Mais je suis aussi en désaccord avec certaines lignes du texte de monsieur Attali. J’aimerais bien avoir l’occasion d’en débattre avec lui, d’ailleurs, car l’exercice doit être intéressant et enrichissant (intellectuellement, évidemment) :
- “C’est bien plus qu’une science : c’est une langue, un univers” : un univers oui, une langue je ne pense pas. Je sais que c’est un avis partagé par beaucoup au sein même de la communauté mathématique. Mais si les mathématiques sont associées à des spécificités langagières, le propos me semble réducteur. Un langue est un média, les mathématiques forment un contenu. On peut faire des maths sans en pratiquer les langages : l’activité mathématique impose avant tout de modéliser, d’imaginer, de mettre en relation, et cela peut se faire sans langage. Les liens entre langage et mathématiques sont complexes et forts. Il me semble qu’on ne peut pas faire ce raccourci toutefois.
- “C’est par les mathématiques qu’on apprend à raisonner avec rigueur, à faire des hypothèses, à en tirer des conclusions, à se servir de conclusions antérieures pour aller plus loin, à distinguer ce qui est nécessaire de ce qui est suffisant, à admettre que le vrai peut être différent de l’évident ou de l’intuitif” : joli plaidoyer, mais non.Les mathématiques participent de tout cela, mais il n’y a pas bijection. Débutons la phrase par : “c’est aussi par…”, et là je suis d’accord.
- En introduction, Jacques Attali écrit “il est urgent de faire l’éloge des mathématiques, cette science difficile, la plus abstraite de toutes, la plus éloignée des réalités du monde“. Ah non, certainement pas. Abstraite, oui, c’est vrai. Mais cette abstraction sert le monde et peut alimenter le concret, directement.
Mais terminons sur un point de convergence entre nous :
Nul ne pourra vivre libre dans le monde de demain sans maîtriser les mathématiques, pour vérifier qu’on en fait le meilleur usage
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C’est déjà vrai dans le monde d’aujourd’hui. Et beaucoup d’entre nous vivent aliénés, par l’ignorance des mathématiques et de bien d’autres savoir qui éclairent notre rapport au monde et à nous-mêmes.