Comment caractériser l’apprentissage par le jeu selon Lego ?

Ce matin, j’ai commencé ma journée par un cours en ligne dispensé par Lego Braille. Une des étapes définit l’apprentissage par le jeu. Selon Lego, le jeu est lié à cinq caractéristiques :

Joyeux, parce qu’on apprend mieux quand on a envie d’apprendre, quand on se sent bien, quand il y a de l’énergie autour de soi. Je ne sais pas si la joie est une caractéristique de l’apprentissage par le jeu ou si c’est un de ses effet. C’est vrai que quand je propose des jeux pour apprendre à mes élèves, c’est aussi pour les surprendre, et parce qu’il y a des chances que cela les attire, leur plaise et donc facilite la dévolution. Mais ce mot “joie” n’est pas à confondre avec l’idée qu’on propose des jeux pour que les élèves soient contents : ce n’est pas un artifice, une facilité pour “mettre les élèves dans sa poche”. Il se trouve que si le jeu est bien fait, ça marche, et on implique davantage d’élèves. C’est à relier au point suivant, le sens : les élèves ne veulent pas, à moyen et long terme, jouer pour jouer, à l’école. Ils sont au courant qu’ils sont là pour apprendre, et c’est très bien ainsi. Et puis l’idée même de jouer ne met par tous les élèves en joie, mais ça j’y reviendrai dans le dernier point.

Le sens, donc : jouer, c’est bien si on sait pourquoi et comment. Comme dans n’importe quelle séance pédagogique de classe (ou hors classe), il faut que les élèves soient en mesure d’expliquer ce qu’ils font, pourquoi ils le font, et puissent décrire ou conjecturer les intentions de l’enseignant. Développer cette métacognition a au moins deux effets favorables : d’une part, les élèves comprennent pourquoi ils sont là, à réaliser leur activité. D’autre part, ils peuvent identifier l’enseignant comme un professionnel qui a un plan, qui sait ce qu’il fait et y a réfléchi. Ce qui n’est que justice, mais met aussi les élèves en sécurité intellectuellement et développe la confiance.

L’engagement physique, en classe, ça fait du bien ! Les élèves sont souvent statiques, censés écouter, ou bien écrivent. A raison de six à huit heures par jour, ce n’est pas forcément très motivant. En fait, c’est même totalement impossible pour beaucoup d’élèves (et pour moi, aussi). Quand on joue en classe, on intervient différemment dans sa posture, dans ses mouvements, on a aussi un objectif de réussite incarné différemment (par rapport à une feuille d’exos, par exemple) qui permet cet engagement. Mais j’aurais plutôt dit, personnellement, un engagement physique qui permet l’engagement intellectuel, ou un engagement physique qui permet la dévolution. Car au final, l’engagement physique n’est pas forcément ce qu’on vise. C’est la dévolution, qu’on vise, c’est que l’élève soit véritablement actif, au sens de l’activité intellectuelle, par sa propre volonté et non parce que c’est ce qu’on attend de lui de l’extérieur. C’est comme quand j’emmène les élèves faire de la géométrie dans la cour : le but, c’est de faire des maths, avec nos têtes, mais la mise en activité du reste du corps va le faciliter.

Ce que Lego appelle l’itération, c’est un mélange de réflexivité et de régulation, et c’est vrai que le jeu le permet tout particulièrement : quand on joue, selon le degré de connaissance du jeu, on tente, on expérimente, on régule en fonction des réussites et des échecs, on revient sur ses choix et on observe ceux des autres, on fait des erreurs qu’on utilise comme matériau pour progresser. C’est presque une description de l’activité mathématique, en fait.

L’interaction avec les autres est un point crucial du jeu pour apprendre, et un obstacle universel du jeu tout court, qu’il faut permettre aux élèves de surmonter. Les interactions sociales sont évidemment un plus du jeu, parce que réussir à communiquer et à évoluer avec les autres n’est pas si simple, surtout aujourd’hui. Mais, particulièrement à l’école, cela demande de se sentir en sécurité, car un élève qui joue s’expose tout de suite. Je trouve même qu’un moyen de mieux nous connaître (jeunes ou adultes) est de jouer ensemble : peut-être parce que le jeu fait tomber des barrières comportementales, ou bien fait appel à quelque chose de profond et de fondateur dans nos constructions personnelles, j’ai l’impression de mieux comprendre les autres lorsque nous jouons ou lorsque je les vois jouer. C’est d’ailleurs pourquoi, lorsque j’utilise le jeu en classe, je passe le plus clair de mon temps à écouter et observer. C’est l’occasion d’en apprendre plus sur celles et ceux qui ont construit des remparts, en usant du repli, de discrétion, d’agitation ou de provocation. Je vois le jeu comme un moment où une vérité peut se dévoiler bien davantage que dans n’importe quelle situation. Mais ces interactions constituent aussi un risque pour des élèves qui en ont bien conscience : certain(e)s savent qu’ils risquent de se “faire voir”, et beaucoup ont très peur de “mal jouer”, d’avoir “l’air bête” parce qu’ils ne comprennent pas les règles ou commettent des erreurs. S’il y a une question d’équipe, c’est encore plus risqué.

Bon, elles sont bien faites, ces étapes selon Lego. Globalement elles me parlent.

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