Les mathématiques, philosophie la plus épurée possible

Faire le ménage, c’est satisfaisant parce qu’après tout est joliment propre, et puis parce qu’on prend soin de son chez-soi, mais c’est quand même bien pénible et pas rigolo. Heureusement, il y a les podcasts de France Culture. Ce matin, j’ai écouté “A quoi les mathématiciens rêvent-ils”, dans La conversation scientifique du 15 juillet 2023, animée par Etienne Klein.

L’invité d’Etienne Klein était Alain Connes, membre de l’Académie des sciences, Professeur au Collège de France, à l’I.H.E.S. et à l’Université OSU, Columbus aux États-Unis, médaillé Fields en 1982.

En mathématiques, le sens est quelque chose d’encore plus fondamental que la rigueur.

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Alain Connes est là à l’occasion de la sortie d’un ouvrage qui me fait envie mais un peu peur aussi, car la psychanalyse n’est vraiment pas ma tasse de thé : À l’ombre de Grothendieck et de Lacan, Un topos sur l’inconscient, avec le psychanalyste Patrick Gauthier-Lafaye, édité chez Odile Jacob. Mais au fond le fait même que l’ouvrage me rende méfiante parce qu’il parle d’un champ qui ne m’attire pas est une raison pour que je le lise…

Avec le personnage de Gaston Bachelard qui flotte au-dessus de l’émission, l’émission se concentre sur l’importance de l’imagination en mathématiques et la place de la raison. Le propos rejoint celui de David Bessis dans Mathetica, avec l’importance de l’intuition.

Si les mathématiques butent souvent sur des problèmes bien réels, sans la rêverie et l’imagination, impossible de les résoudre. Alain Connes prend aussi l’exemple le cas de Rafael Bombelli, algébriste italien du XVIe siècle : “Il avait réussi par son imagination pure à créer un nombre […] et il savait qu’en le manipulant, il obtenait les trois racines réelles [pour résoudre une équation du troisième degré]. Donc ça veut dire qu’il a eu besoin de son imagination pour résoudre un problème de réalité.

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Alain Connes partage la façon dont il ressent les mathématiques : “une philosophie la plus épurée possible”, une approche de la réalité partant no pas d’un langage autoréférentiel comme celui qu’on utilise d’habitude, mais essayant de tout reconstruire” à partir de zéro.

L’émerveillement que lui apportent les mathématiques est vraiment beau à entendre. La patience dont il est capable de faire preuve, aussi : réfléchir pendant des jours, des mois, des années fait partie de son activité de mathématicien. Le “plaisir de la compréhension” est forcément précédé par “la douleur du travail, la frustration, l’incompréhension, le nombre de jours passes à se dire qu’on est idiot”. Ce plaisir est lié “aux images mentales qui mènent à un cri de joie” du cerveau, qui peut durer plusieurs jours tant le bonheur d’avoir compris illumine. Cette idée d’images mentales est très importante pour Alain Connes.

Pour moi, il n’y a de réalité que mathématique. Mais je ne fais pas la traduction de tout ce que je vois en mathématiques. Je sais que, s’il le fallait, la traduction serait possible. Ca, j’en suis certain. Plus on sait de mathématiques, plus on est surpris par le miracle qui fait que des choses qui, au départ, auraient parues comme n’ayant aucune chance d’être mathématiques deviennent mathématiques.

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C’était une très belle émission, de celles qui font du bien.

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