Celui que j’insulte, je ne connais plus la couleur de son regard.

Un ami m’a envoyé cet extait de discours d’Albert Camus, que lui a évoqué le travail que je mène avec mes élèves sur l’argumentation, dont j’ai relaté une partie dans cet article et sur le Café pédagogique :

Le temps des meurtriers, 1949.

Il n’y pas de vie sans dialogue. Et sur la plus grande partie du monde, le dialogue est remplacé aujourd’hui par la polémique, langage de l’efficacité. Le XX ème siècle est, chez nous, le siècle de la polémique et de l’insulte. Elle tient, entre les nations et les individus, et au niveau même de disciplines autrefois désintéressées la place que tenait traditionnellement le dialogue réfléchi. Des milliers de voix, jour et nuit, poursuivant chacune de son côté un tumultueux monologue, déversant sur les peuples un torrent de paroles mystificatrices. Mais quel est le mécanisme de la polémique ? Elle consiste à considérer l’adversaire en ennemi, à le simplifier par conséquent et à refuser de le voir. Celui que j’insulte, je ne connais plus la couleur de son regard. Grâce à la polémique, nous ne vivons plus dans un monde d’hommes, mais dans un monde de silhouettes.»

Albert Camus, Le temps des meurtriers, 1949.

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