Un article du Monde écrit par Sylvia Zappi et publié le 27 octobre 2025 est intitulé : “On peut voir la pauvreté qui gagne : les Caisses d’allocations familiales face à la montée de la précarité”. La misère gagne du terrain, et c’est une difficulté de plus pour garantir le même accès à l’école pour toutes et tous : les problèmes matériels (pas ou peu d’équipement scolaire, des vêtements qui indiquent le milieu défavorisé et impactent le rapport au groupe), les difficultés de logement qui impactent pour le travail hors la classe, la faim qui tenaille des élèves dès le matin, les tensions familiales et l’anxiété, le manque de perspectives d’avenir… Comment être disponible pour les apprentissages dans ces conditions ?
On vient là (…) surtout pour essayer de comprendre ce que le logiciel réclame.
Cette phrase m’a frappée. La fracture numérique est bien réelle. Les procédures électroniques éloignent en fait de l’autonomie une grande partie de la population, qui n’est pas en mesure d’accéder (par manque de matériel informatique par exemple), de comprendre (vous ne vous êtes jamais demandé ce qu’on vous demandait, sur ces sites ?) et de donner ce qui est attendu (trois documents mais une seule PJ, et d’une taille ridicule) à ces logiciels, sites et applis. Mais surtout, cette phrase résonne comme un résumé de ce que beaucoup de personnes ressentent aujourd’hui : ils obéissent à une entité abstraite, aux émanations principalement numériques. Avoir au téléphone ou rencontrer un humain “pour de vrai” est de plus en plus difficile, et c’est vrai que c’est un problème. Or, quand on a un problème rare ou incongru, quand on a du mal à s’exprimer (en français, ou à exprimer ses idées), quand on lit difficilement, s’en sortir au travers de ce dédale désincarné est impossible.
Mais au bout, c’est le désespoir. Et ça, le “logiciel” s’en fiche bien.
En attendant, ce sont des personnels qui font tampon, quand les personnes en difficulté réussissent à se déplacer et en rencontrer. Pour eux aussi l’expérience est violente : heureusement qu’ils sont là pour aider et sortir de situations critiques celles et ceux qui demandent de l’aide, mais cela impacte aussi leurs vies à eux.
En revanche, plus haut, tout ce système déshumanisé permet que personne ne se sente responsable.

