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Tiens, et si on re-re-re-re-re-re-changeait d’avis ?

Sur Mediapart, Claude Lelièvre, historien de l’éducation, écrit une tribune intéressante. Extrait :

« Le 18 mai 2010, Jean-Michel Blanquer (alors Directeur de l’enseignement scolaire) a été auditionné sur le sujet. Et ce qui en a été consigné dans le rapport d’information déposé le 8 décembre 2010 par la Commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale (en conclusion des travaux de la mission sur les rythmes scolaires) vaut d’être rappelé (et sonne comme un rappel à l’ordre). 

« Lors de son audition par la mission, le Directeur général de l’enseignement primaire scolaire au ministère de l’Éducation nationale, monsieur Jean-Michel Blanquer, a insisté sur le fait que la semaine de quatre jours n’avait pas été ”imposée” par la réforme de l’enseignement primaire de 2008, les conseils d’école étant en effet libres de répartir l’enseignement sur 8 ou 9 demi-journées. Selon le DGESCO, le ministre de l’Éducation nationale de l’époque avait d’ailleurs une ”préférence implicite”, contrairement à ce que les textes pouvaient laisser croire, pour la semaine de 9 demi-journées, celle-ci présentant de réels avantages. En particulier la ”continuité de la semaine”, résultant de ce mode d’organisation, est ”bonne pour l’enfant”, ce dernier ayant besoin de régularité ; elle tend de plus à banaliser la scolarisation du mercredi, tout en permettant aux écoliers de bénéficier d’une vraie pause durant le week-end » (…) Il est clair que si la semaine de 9 demi-journées n’a pas été choisie, c’est parce que, comme l’a indiqué monsieur Jean-Michel Blanquer, DGESCO, ”le monde des adultes s’est entendu sur le monde des enfants »

Le rapport de l’Assemblée Nationale est ici. Les extraits proviennent des pages 11 et 12. Mais la lecture de l’ensemble est tout à fait intéressante, et je vous la conseille.

Dans la suite de sa tribune, monsieur Lelièvre explique pourquoi le voeu de monsieur Blanquer de fonder sa politique sur la science et le pragmatisme semble un voeu pieux. La science dit tout le contraire, quant au pragmatisme, il faudrait le définir.

Monsieur Blanquer a montré, dans ses missions antérieures, qu’il était un homme de réflexion. Que se passe-t-il, là ? Pourquoi s’emballer ainsi et nous bombarder d’injonctions contradictoires, qui défont ce qui n’a même pas eu le temps d’être évalué,en contradiction avec les travaux de la recherche, et sans concertation avec nous, qui sommes sur le terrain ? On s’enfonce dans le cliché qui participe à l’abstention de masse : ceux qui décident pour nous n’ont aucune idée de la réalité de la majorité des Français. C’est déprimant. Et pourtant, pour me déprimer, faut mettre la gomme.

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Le DNB nouveau est arrivé

Dans la dernière revue de presse des Cahiers Pédagogiques, Laurent Fillion revient sur la nouvelle mouture du DNB (diplôme national du brevet),commentée par Le Monde
L’article du Monde explique que « Dans nombre d’établissements, la majorité des élèves de 3e ont déjà le nombre de points pour décrocher l’examen, avant le coup d’envoi des écrits. »
« La validation de ce bagage [le socle commun], que tout élève doit avoir acquis à l’issue de la scolarité obligatoire, compte en effet désormais au brevet en lieu et place des moyennes de notes obtenues dans l’année. Son poids est même prédominant : le bilan des compétences de ce « socle », évaluées selon quatre niveaux de maîtrise – insuffisant (10 points), fragile (25 points), satisfaisant (40 points) et très bon (50 points) –, compte pour 400 points sur 700. »dnb2017-1.png

Mais Laurent Fillion nuance ces propos : « L’article oublie de préciser que c’était déjà le cas avec l’ancienne formule dans laquelle le contrôle continu comptait pour 200 points sur les 360 requis. On est donc passé de 55,55 % de la note globale à 57,14 % ! Pas de quoi crier au scandale.» En effet, la part du contrôle continu demeure approximativement la même. Ce qui change, c’est tout de même le nombre de points attribués aux élèves dans ce contrôle continu : dans mon établissement, les élèves partent avec des scores clairement plus élevés. Certains élèves ont même déjà une mention, ce qui n’arrivait pas auparavant. Il y a sans doute plusieurs causes à cela :

  • Pour un niveau insuffisant on attribue 10 points. Cela dit, je pense que les élèves n’avaient pas des moyennes de zéro non plus avant la réforme. Mais le fait de n’attribuer que quatre scores différents relève les totaux, comme cela a été le cas sur les épreuves de langues à l’oral au bac. C’est l’effet des paliers : cela profite aux élèves.
  • Dans un établissement comme le mien, dans lequel beaucoup d’élèves sont en réussite, on observe souvent un tassement des “bonnes notes” : comme il existe un nombre assez important d’élèves excellents, les très bons n’obtiennent pas forcément des notes excellentes… Et ainsi de suite. Or cette fois on n’avait le choix qu’entre quatre niveaux de maîtrise. Ici encore, cela a profité aux élèves : “très satisfaisant” a été attribué aux excellents, aux très bons, parfois aux bons. Je pense que ces seuils vont donc déclencher une pluie de mentions. Il est possible que le nouveau système profite particulièrement aux bons élèves, dans des collèges de ce type.
  • Dans mon collège (car je sais qu’ailleurs cela a pu être différent), les collègues ont réfléchi vraiment en termes de compétences : ils n’ont pas transformé des moyennes en niveau de compétences, mais ont essayé de mesurer vraiment les acquis fonctionnels des élèves, en prenant aussi en compte ce que les élèves savent faire en plus du scolaire pur. Ainsi, une nouvelle façon d’envisager les choses a naturellement émergé et de nouveaux critères d’évaluation se sont construits. L’évaluation, au final, n’est forcément pas la même.

Si je résume, donc, la part du contrôle continu est stable, en gros, mais la méthodologie d’évaluation et l’effet palier changent le nombre de points dudit contrôle continu.

La question suivante, c’est : est-ce que c’est grave ? Rappelons-nous que notre pays est mauvais aux tests internationaux, pour des raisons multiples et d’ordres variés, dont le fait que nos enfants sont stressés par une évaluation mal vécue, donc sans doute inadaptée. Laurent Fillion apporte une réponse :

« L’idée selon laquelle un examen n’aurait de la valeur que s’il n’était réussi que par un petit nombre est tout de même très critiquable quand il s’agit comme avec le DNB de valider les apprentissages communs à une très large majorité des élèves. Rien de scandaleux non plus au fait que des élèves l’aient déjà avant les épreuves finales. L’évaluation et la validation sérieuses des compétences travaillées au collège peuvent en effet suffire.

Et si le vrai scandale c’était d’avoir conservé ces épreuves écrites inutiles et coûteuses ?

Et pensons aussi à ces élèves qui ne parviendront pas à l’obtenir ..

Voilà, tout est dit !