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L’école inclusive, un système qui craque

Un article du Monde publié aujourd’hui s’intitule “L’école inclusive, un système qui craque“. Au départ, à la lecture du titre seul, je me suis crispée : je déplore les attaques contre le principe d’inclusion. Le mouvement initié par le syndicat FO, en janvier, contre l’« inclusion systémique et forcée » des élèves en situation de handicap en « milieu ordinaire” m’a révoltée. Je m’explique.

L’inclusion, c’est un bon principe. Permettre aux enfants d’aller à l’école avec tout le monde, c’est faire société. C’est apprendre à vivre tous et toutes ensemble, quelle que soit la situation, quels que soient les besoins de chacun. Parfois, suivre à 100% du temps scolaire ordinaire n’est pas possible, c’est vrai, alors on aménage l’emploi du temps. Dans certains cas ce n’est même pas possible du tout. Mais c’est très, très rare. La grande majorité des enfants peuvent aller à l’école au singulier. S’ils ne le peuvent pas, on essaie d’organiser des moments d’inclusion, au moins, ou des alternances. Mais quand j’entends “Ces enfants, ils faudrait les mettre ailleurs, parce que là c’est de la maltraitance”, je me hérisse. Les mettre où ? Loin de nos yeux ? Quel endroit mystérieux conviendrait à leurs besoins, en leur permettant ensuite l’inclusion dans la société ? L’école, voilà. Notre école, pas leur école. Nous n’avons pas des moyens suffisants pour accueillir comme nous devrions les enfants à besoins particuliers ou en situation de handicap, je suis d’accord. Mais exclure la possibilité d’aller à l’école de tout le monde pour des enfants qui le peuvent avec des adaptations, voire des compensations, c’est ça la violence ultime. C’est l’exclusion ou la ségrégation. Notre système, les moyens qui nous sont alloués sont très insuffisants, mais cela ne doit pas amener à se tromper de combat. Dans l’ “école inclusive”, ce n’est pas “inclusive” qui cloche. C’est l’organisation de l’école. Alors oui, battons-nous, mais pour l’école. L’école évidemment inclusive, mais si nous avions collectivement évolué de façon aboutie dans ce domaine de notre humanité, nous ne devrions même pas avoir à le préciser. Battons-nous sans mettre à part l’objectif d’inclusion du reste : l’école ne peut être qu’inclusive, le contraire n’aurait pas de sens ! Battons-nous pour reconstruire une école accueillante, formatrice, émancipatrice pour tous et toutes. Ce n’est clairement pas à l’ordre du jour et c’est dramatique. Raison de plus pour se battre. Par exemple, le fait d’imposer le DNB pour accéder au lycée est une honte et d’une ignorance, d’une condescendance incroyable : cela risque de priver des élèves empêchés dans certaines tâches scolaires normées de pouvoir avancer dans leur développement intellectuel et social.

Mais revenons à l’article du Monde. Il rappelle que le nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés est en hausse. De nombreux enfants ne peuvent toujours pas être scolarisé du tout. Puis il cite Guislaine David :

Les enseignants sont démunis face à certains troubles, notamment du neurodéveloppement, qui ne relèvent pas de nos compétences pédagogiques. C’est devenu l’une des principales causes de souffrance au travail

Guislaine David, à la tête du premier syndicat du primaire, le SNUipp-FSU

Je ne suis pas d’accord avec le propos de madame David. Je ne nie pas la souffrance d’enseignants qui se sentent démunis, frustrés de ne pas réussir à faire réussir certains élèves. Ils souffrent, et c’est inacceptable, parce qu’ils veulent être efficaces mais qu’ils n’en ont pas toujours les moyens. Leur souffrance est parfois insupportable, ils sont abandonnés et nous ne pouvons pas nous y résigner. Tout ça, c’est vrai. Là où je ne suis pas d’accord, c’est que cela sort du pédagogique. Dans une très grande partie des cas, si, c’est bien du pédagogique : la pédagogie est, selon mon dico, l’ensemble des méthodes utilisées pour enseigner. Ce n’est pas marqué “enseigner à certains, mais pas à tous et toutes”. Il faudrait cesser d’entrer systématiquement par une vision médicale, par le “défaut”, le “trouble” voire la “maladie” pour chercher des solutions pour faire progresser les élèves à besoins particuliers ou en situation de handicap. La question est celle des besoins.

Alors imaginons qu’on arrête de remettre en cause, frontalement, sournoisement ou désespérément, le principe d’inclusion. Imaginons que nous revendiquons collectivement l’éducabilité. Et identifions nos besoins : de la formation, bien faite, bien organisée et utile, plus d’adultes pour collaborer à faire réussir les élèves, plus de flexibilité dans la confiance et le respect de tout le monde, les effectifs dans les classes, les outils pédagogiques, l’aménagement des établissements scolaires, des programmes adaptés et raisonnables, l’abandon de la fixette de l’élitisme, du tri, du classement par l’évaluation la plus sommative possible, des MDPH en mesure d’assurer un suivi rapide et efficace, des places dans les différents dispositifs d’enseignement spécialisé pour accompagner tous les élèves qui en ont besoin, une vraie reconnaissance (concrète) du métier d’AESH. D’autres le font : des expériences au Canada au Royaume Uni, en Suède, en Italie montrent des résultats probants et encourageants. Mais cela nécessite de changer collectivement complètement de point de vue : on passe de la validation d’évaluations certificatives à un projet de société ambitieux, d’un idéal de “passer devant l’autre” à “marcher à côté de l’autre”. On change sans doute aussi la vision du métier d’enseignant.

Alors oui, il y a urgence. Oui, notre école ne va pas bien, et d’ailleurs notre société non plus, forcément. Mais ce n’est pas une raison pour abandonner le principe d’inclusion systémique.

Ne nous trompons pas de combat. Restons unis et protégeons celles et ceux qui en ont le plus besoin, en n’oubliant pas les autres.

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