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1 (mille) 6 (six) 1 (cent) 10 (dix) 8 (huit)

Ce matin, avec Arthur, nous avons repris l’écriture des nombres : Arthur ne savait pas écrire les nombres inférieurs à 1 000 jusqu’au moins dernier, ni les lire. En dehors de considérations académiques, cela lui pose des problèmes dans la vie courante : lorsqu’Arthur voit des prix affichés, il ne peut pas estimer correctement la somme d’argent dont il est question. Réciproquement, en stage, s’il doit annoncer une somme à un client, il est bien embêté. Par exemple, jusqu’ici, si son tuteur de stage lui demandait de taper “soixante-trois euros”, il tape 603. Les chiffres 60 formaient son soixante, et il écrivait le 3.

Nous avons donc travaillé dur, et Arthur est presque costaud sur les nombres inférieurs à 1 000. Il se trompe encore de temps en temps, mais s’en aperçoit. Il sent qu’il se trompe, plus qu’il ne repère directement son erreur. Il m’explique qu’il sent que son cerveau “ne marche pas bien” à ce moment-là. J’ai essayé de lui enseigner comment remédier, et comment faire une pause avant de remédier, aussi.

Toujours est-il qu’Arthur, porté par l’enthousiasme de ses progrès, a commencé à lire à sa famille tous les nombres qu’il croise. Or, des nombres, dans notre environnement, il y en a un certain nombre. Il a montré comme il avait progressé de façon épatante, et puis il s’est heurté à de nouvelles limites. D’où sa demande, aujourd’hui, de bon matin :

Tu sais les nombres, là, j’arrive à les lire, enfin mieux, quoi. Mais ça va pas quand il y a trop de chiffres. C’est tout emmêlé dans mon cerveau. Tu crois que je peux y arriver ? Je sais, peut-être pas, mais peut-être que si, non ?

J’ai répondu à Arthur que je ne le savais effectivement pas : Arthur et moi savons qu’il est enquiquiné par une déficience intellectuelle, qui complique l’accès à tout un tas de savoirs. Mais lui et moi savons aussi qu’on peut toujours apprendre. La devise du dispositif ULIS que je coordonne c’est “actif, lucide, instruit”. Alors activons-nous, en toute connaissance de cause, pour aller plus loin. Ce à quoi je crois profondément, pour ma part, c’est à l’éducabilité.

Mais j’avais d’autres choses à faire faire à Arthur, ce matin. Je lui ai expliqué, et je lui ai aussi annoncé qu’il pouvait compter sur moi (…) pour attaquer ces grands nombres. Pour pouvoir répondre à ses besoins, il me fallait quelques informations. Alors Arthur, après s’être acquitté de son travail prévu, a répondu à ces questions :

Une fois ses réponses écrites, je lui ai redonné la fiche vierge en lui lisant à haute voix les nombres : je ne voulais pas confondre un problème de lecture avec un problème de numération. Il a réécrit presque la même chose, sauf pour “trois mille cent quinze”, qu’il a écrit 31115, “mille six cent dix huit” qu’il a écrit 16118 et “mille deux cent trente huit” qu’il a écrit 121308.

Sur les grands nombres (j’entends là supérieurs à 1 000), lorsqu’Arthur entend “mille”, il écrit un “1” : “trois mille trois cent onze” devient 3 (trois) 1 (mille) 311 (trois cent onze). Regardez, ça marche presque à tous les coup dans ses réponses. D’autre part, lorsqu’il fatigue ou que son attention décroche (car c’est hyper coûteux pour lui, ce type d’exercice. Il est vraiment très volontaire), il écrit aussi un “1 pour les “cent”, comme dans deux mille (2) deux (2) cent (1) vingt (20) quatre (4). Autrement dit, quand c’est trop difficile, il reprend ses réflexes passés sur les nombres inférieurs à 1 000. Logique : c’était sa représentation.

Bon alors maintenant, on fait quoi ? Voici mon plan de bataille (temporaire : a priori, je vais l’interroger, l’adapter, le remanier en permanence) :

  • Continuer de s’entraîner tous les jours un peu sur les nombres inférieurs à 1 000 ;
  • Lire des nombres écrits dans un tableau de numération qui indique seulement “classe des milliers et classe des unités” ;
  • Ecrire des nombres du type “123456” en ménageant l’espace séparateur des milliers : 123 456 ;
  • Faire de la corde à linge pour travailler l’ordre et la comparaison ;
  • Associer à des nombres leur représentation à coup de cubes, de barres, de plaques et de cubes de mille.

Et dans une semaine, on fait le point.

Non mais.

3 thoughts on “1 (mille) 6 (six) 1 (cent) 10 (dix) 8 (huit)

  1. Comment dire…
    Je me suis pris au “jeu” et j’ai essayé de comprendre son mode de fonctionnement. Ma petite enquête policière à moi.
    C’est extrêmement éclairant et me conduit à grandement m’interroger sur ma pratique et les élèves, même de lycée, que je croise.
    Merci Claire !

    Stéphane

  2. Super intéressant, Claire !
    Je me demandais comment il visualiserait le nombre avec des abaques. Puisqu’il veut absolument écrire la case “des mille” par un 1, s’il voyait 3 jetons sur la partie “mille” 3 jetons sur les centaines, 1 sur les dizaines et 1 sur les unités… Écrirait-il toujours 31311 ?
    Belle soirée,
    David

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