Pourquoi, quand, comment évaluer des tâches complexes ? En voilà une bonne question, encore. Je commence en ajoutant une question.
Quoi ?
Tout d’abord, ma définition d’une tâche complexe. Je résous une tâche complexe, comme je mange un fraisier : il y a des tas d’ingrédients différents dedans, qui se complètent pour être au final envisagés ensemble, mais dont il faut profiter aussi indépendamment pour bien tout comprendre dans sa globalité. Si je ne mange pas les fraises, je n’ai pas résolu ma tâche complexe. Autrement dit, une tâche complexe mobilise des savoirs et des savoir-faire différents pour sa résolution, qui ne sont pas explicitement indiqués. Une même consigne peut ou pas être développée sus forme de tâche complexe, selon qu’on fait figurer des indications intermédiaires ou pas.
Une tâche complexe n’est pas forcément un problème ouvert : un problème ouvert doit donner la possibilité de plusieurs méthodes. Une tâche complexe, pas forcément.
Pourquoi ?
Parce que la vie en soi est une succession de tâches complexes, et que faire des maths, c’est apprendre à résoudre des problèmes. Parce que réfléchir à tâche complexe permet de mobiliser plein plein de savoirs et de compétences. Et aussi parce que c’est souvent plus rigolo et plus motivant que de calculer pour la douzième fois la longueur d’un côté d’un triangle.
Quand ?
Tout le temps. Je ne propose pas de tâche complexe non évaluée. En revanche, la nature de ce que j’évalue peut varier : ce peut être savoir collaborer pour résoudre un problème, structure un raisonnement, identifier des sous-problèmes, ou mettre en oeuvre des techniques mathématique, mobiliser des savoirs (qui ne seront pas forcément les mêmes pour chaque élève, sur une même tâche complexe, si elle est ouverte).
Du coup, je vois à cette question une sous-question : quand proposer une tâche complexe ?
Je répondrai : dès qu’on le peut. Pour ma part, nous pouvons très bien résoudre deux tâches complexes d’affilée, sur deux heures consécutives. Ces tâches ne sont pas régulières, car une partie est prévue dans ma programmation, mais j’agis souvent à l’instinct, de façon spontanée. J’en proposerai une, par exemple, si un élément d’actualité me donne une idée, si je croise sur un blog une proposition qui me plaît ou qui m’intrigue, si un élève m’apporte un problème, ou aussi, souvent, si les élèves sont énervés par la fatigue, l’heure ou un élément extérieur. Je trouve plus facile de les canaliser par une tâche complexe avec une part de recherche collective, en fait. Attiser leur curiosité et leur permettre de travailler avec un degré (relatif) de liberté et de communiquer me renvoie un bilan plus positif, une mesure de travail de chacun plus élevée.
Comment ?
Je me rends bien compte que mes réponses sont affreusement normandes (en même temps c’est logique), mais tout dépend (de la tâche elle-même, de si elle était prévue ou pas, etc.) : je préviens ou pas, et cela peut durer une demi-heure comme deux heures… En revanche, je précise toujours au départ ce que j’attends, et ces attendus sont écrits, souvent sur un document distribué, au pire au tableau. A minima, je ramasserai un brouillon qui doit me permettre de comprendre la démarche (que nous reprendrons individuellement ou collectivement pour structurer et mettre en forme), et souvent je demande une proposition de résolution, mais toujours avec le brouillon. Parfois je filme, régulièrement j’enregistre les échanges des groupes. Avec tous ces éléments, j’ai la possibilité de vraiment comprendre leur façon de raisonner, de communiquer, leurs représentations mentales et la qualité de ce qu’ils ont produit, en attribuant à chacun ce qui lui revient, même si la recherche a été collective.