J’ai visionné aujourd’hui une conférence proposée à l’occasion du séminaire ASH de l’académie de Normandie, animée par Yann Mercier Brunel. C’est un plaisir que d’écouter ce monsieur, qui est aussi motivant qu’accessible, avec un côté petit pois sauteur que j’aime bien : on ne s’ennuie pas une seconde. Et puis il a le sens de la formule… Le thème de la conférence était “L’évaluation au service de l’autorégulation de l’apprentissage : un soutien pour chaque élève, un intérêt pour tous”. J’ignore si j’ai le droit de partager le lien, donc je ne le fais pas, et je vous partage mes notes (que j’espère sans trop de fautes, mais je ne me suis pas relue, bouh c’est pas bien). Si vous voulez voir cette conférence, dites-moi et je demanderai plus haut si je peux partager ledit lien. C’est intéressant jusqu’aux questions, qui apportent encore autre chose, sur les groupes de niveaux, les lycées professionnels, entre autres.
L’évaluation formative
L’évaluation n’est pas une technique, c’est un processus. La majorité de l’évaluation en classe est informelle, et elle a des effets sur les élèves. C’est une activité humaine qui dépend du où, du quand, du qui. Dans les pays occidentaux, il y a une tendance à la densification normative, une culture de l’évaluation, qui est quantitative (et pas seulement dans l’éducation), et nous sommes saturés de discours évaluatifs. Cette logique normative n’est d’ailleurs pas propre à la note, mais aux critères d’évaluation.
D’après Panadero, un chercheur espagnol, tout ce qu’on appelle évaluation formative actuellement est en réalité une question d’autorégulation de l’élève. C’est, par définition dans la recherche, une évaluation qui aide l’élève à s’autoréguler, s’autoévaluer et s’améliorer. On a appelé ça évaluation formatrice, côté terrain. Je n’ai jamais été trop à l’aise avec la séparation formative/formatrice, et cette définition m’arrange bien.
Je suis le Jeanne d’Arc de la moyenne : il faut la bouter hors du système scolaire.
Evaluer efficacement
Il faut se poser des questions simples en apparences, mais pas tant que ça dans le quotidien professionnel : comment recueille-t-on les informations pour évaluer (quels objets, quelles conditions, pour quelle pérennité) ? Comment les interprète-t-on ? Comment décide-t-on des conséquences ? La définition claire d’un objectif d’évaluation est assez peu pratiquée par les enseignants, dans les faits, et souvent l’objectif donné n’est pas l’objectif suivi.
Quand on enseigne, on a une logique linéaire : on structure chronologiquement l’enseignement sur l’année. On évalue aussi de façon plutôt linéaire, d’où le succès de l’approche évaluation diagnostique-évaluation formative-évaluation sommative. Mais l’élève apprend de façon cyclique.
On est toujours le principal acteur de son apprentissage. L’apprentissage de se subit pas, il s’agit. Alors la question est : comment mettre l’élève en situation d’apprendre au travers des pratiques évaluatives ? Un élève (comme tout un chacun) peut toujours progresser, analyser, contrôler notre cognition, notre motivation, notre comportement et certains aspects de l’environnement. Cela dépend du moment, des domaines, du point de vue de la taille de la marge de manœuvre dont on dispose, mais ce levier existe toujours. Le principe d’éducabilité est un principe fondamental de l’être humain. Quand on le dit, ça paraît d’une telle évidence ; quand on l’observe, ça paraît d’une telle non-évidence,
Quand on commence à plus discuter de la graduation du thermomètre que des températures, on a perdu.
L’autorégulation
L’autorégulation c’est, en gros, un processus actif et constructif par lequel on va se fixer des objectifs, surveiller sa propre cognition, sa propre motivation et son propre comportement. L’idée de Yan Mercier-Brunel est d’entrer par la structure des pratiques pédagogiques pour soutenir la motivation des élèves, plutôt que de rentrer par l’extérieur en prétendant agir directement sur la motivation des élèves. La régulation implique l’élève, la remédiation consiste à lui dire quoi faire pour progresser.
Ce ne sont jamais les éléments directement personnels qui décident de ma façon de m’autoréguler, c’est ma façon de les percevoir. On n’agit jamais en fonction de la réalité, on agit en fonction de notre réalité ; de la même façon, c’est moins l’origine sociale de l’élève que la représentation qu’il a lui-même de son origine sociale qui joue. Il n’y a aucune fatalité, mais pour autant ce n’est pas facile à travailler.
On s’autorégule sur la base de critères et de standard, mais toujours à partir de critères et de standard. De ce fait, quand l’enseignant évalue l’appropriation des critères par l’élève, ce n’est pas juste de l’évaluation, c’est aussi de l’apprentissage, c’est de l’évaluation par l’apprentissage (et pas forcément d’enseignement), et d’ailleurs l’évaluation doit rester de l’apprentissage. Sans cela, l’évaluation n’a aucun intérêt, sauf évaluation certificative pour obtenir un diplôme. On ne devrait pas avoir d’évaluation sans explicitation préalable des critères d’apprentissages.
Je peux faire faire des tas de trucs de sophrologie sur un tapis aux élèves, si c’est pour leur balancer des scuds l’autre partie du temps, ça ne présente pas d’intérêt.
Le sentiment d’autodétermination
Évidemment il y a une partie psychologique dans l’apprentissage, qu’on ne peut pas séparer de la partie cognitive.
Le contraire du sentiment d’efficacité personnelle s’appelle l’incapacité apprise, c’est-à-dire quand j’ai appris à être incompétent. C’est quelque chose qui se produit très facilement, et de nombreuses expériences l’ont montré.
Pour donner de l’envie et des challenges, il faut percevoir la nature des buts et la façon dont la performance ou la maîtrise sont identifiées. Il faut sentir qu’il y a un défi, avoir compris le cadre d’exécution et le savoir rassurant. La dimension individuelle et collective de l’engagement joue aussi, et les équilibre sont complexes : quand on donne une tâche compliquée à un groupe, la charge émotionnelle est répartie sur les membres du groupe, ce qui permet au groupe d’aller plus loin que pour un individu. Le sentiment d’autodétermination est très important, aussi, et davantage chez les filles (c’est culturel, bien sûr, pas acquis).
Je ne suis pas favorable à attribuer des points de bonification en fonction des progrès. L’idée n’est pas de récompenser les progrès, mais de les rendre visibles pour l’élève.
Les feedbacks
Les feedbacks sont multiformes. Ils sont toujours langagiers, au sens verbal et/ou corporel.
Les feedbacks fondés sur le résultat sont peu efficaces : ce sont des feedbacks de renforcement (c’est bon ou c’est faux). De même, ceux sur la personnalité de l’élève fonctionnent mal (« tu es bon en maths, tu peux y arriver). Ce sont des gestes d’atmosphère, qui sont nécessaires mais largement pas suffisants.
La focale sur la démarche (pourquoi ? Comment ? Et ensuite ?) fonctionne bien, ainsi que celle sur les processus d’autoévaluation des élèves (qu’est-ce que tu penses de ta réponse ? Es-tu absolument sûr, pas trop ou peu ? Pourquoi ? »)
Les feedbacks sont plus efficaces lorsqu’ils sont sollicités par l’élève, s’ils visent à soutenir le processus d’apprentissage plutôt que de donner la réponse, quand ils arrivent pendant le processus d’apprentissage (circulons pour voir ce que font les élèves au moment où ils sont au travail !), s’ils permettent aux élèves de comprendre l’origine de leur erreur ou de comprendre une stratégie, et lorsqu’ils comprennent l’objectifs de ce qu’ils sont en train de faire. Mais il faut faire attention aux feedbacks discriminants malgré nous, car ils n’agissent pas de la même façon auprès de tous et toutes, pour des raisons purement culturelles. Évaluer sous forme de jeux éducatifs et de défis réduit l’effet d’éléments discriminant et démine l’anxiété. Faire réfléchir les élèves et les enseignants sur les implicites créateurs de discrimination scolaire permet de diminuer les effets de cette discrimination.
Le nombre de fois où on entend « mais qu’est-ce qu’il fait ici ? », « Il n’a pas sa place ici. ». Qu’est-ce qu’il fait ici ? Bin il apprend. Enfin, il essaie, parce qu’effectivement, suivant le contexte, c’est plus ou moins compliqué.
J’ai lu un ouvrage auquel a participé Yann Mercier Brunel, qui m’avait beaucoup plu :
Voici ma fiche associée (plus courte car je ne me fabrique que des fiches d’un recto en A4) :