A l'attaque ! · Chez les collègues · Chez moi · Compétences · cycle 2 · Formation · Maths pour tous · Question de grand · Tous ensemble !

Représenter dans la résolution de problèmes

Autour de la fiche de résolution de problèmes, Christophe Mével a eu la gentillesse de me répondre de façon approfondie et d’attirer mon attention sur le cadre « recherche ». Cela m’a amenée à la question suivante : ne pas évoquer explicitement la schématisation ne risque-t-il pas d’éloigner les enfants de la possibilité de représenter ?

En effet, « représenter » est une compétence fondamentale, qui en plus à l’école est celle qui ouvre sur « modéliser ». Comme l’écrit Christophe, loin d’être anodine, elle permet à l’enfant de conjecturer et de s’autoévaluer, et à l’enseignant d’évaluer plus finement. « L’abstraction trop rapide est un mal français!
 », c’est vrai.

Pour autant, je n’ai pas envie d’imposer la représentation dans la fiche. J’observe assez régulièrement des enfants qui représentent pour représenter, ou pour « faire passer le temps », parce qu’ils ne savent pas, pensent ne pas savoir ou au contraire savent si vite qu’ils meublent.

Par exemple, dans une classe de CE1 récemment, j’ai observé les enfants résoudre un problème classique que j’avais proposé : maman a douze œufs. Elle en casse trois ; combien reste-t-il d’œufs à maman ? J’étais assise à une table à côté d’une petite fille, qui me regarde, souriante, et me dit, en me montrant ses doigts : « facile : douze, onze, dix, neuf. Ça fait neuf œufs pas cassés ». Et elle écrit « 12-3=9 » dans la partie calcul. Et puis elle regarde la fiche et se dit sans doute qu’il faut représenter. Alors elle réfléchit puis dessine :

20181207_202916

Ensuite, elle rédige sa phrase réponse.

Voilà un exemple que je trouve intéressant : cette petite fille, sur ce problème précis ce jour-là, n’a pas eu besoin de schématiser. Du coup, elle a vraiment dessiné (et son dessin est super, d’ailleurs), dans le sens occupationnel. Ce n’est pas grave, mais cela induit une confusion entre représenter et dessiner. Représenter est fait pour emmener vers la modélisation, justement. Par exemple, c’est « mieux » ici :

Capture d_écran 2018-12-30 à 17.00.28

Que là :

Capture d_écran 2018-12-30 à 17.00.56

Ce n’est d’ailleurs pas tout ce qu’on pourrait analyser dans cette dernière production, très très intéressante, en particulier dans la conclusion.

« Mieux » ne s’entend évidemment pas d’un point de vue réussite de la résolution du problème, mais démarche mentale et accès à l’abstraction : dans un cas l’enfant visualise les œufs dans le panier de maman, et dans l’autre il sait peut-être que l’important est de représenter les objets de départ et la transformation.

Un autre exemple me vient, que nous avons travaillé en formation. Cette fois, il est question de verres. On avait 12 verres fragiles et il n’en reste plus que 8. Combien de verres ont-ils été cassés ? Un enfant représente ainsi :

Capture d_écran 2018-12-30 à 17.03.06

Cette fois, on est dans un champ tout à fait différent de la petite élève précédente. L’élève a connecté par dessiner des verres à pied, puis a dû trouver cela difficile ou trop long et est passé à une représentation plus symbolique. C’est bien, de s’être ainsi adapté à la situation et à sa difficulté. Mais ensuite il dessine son opération, ce qui fait de sa représentation un objet hybride pas pertinent (par rapport à l’utilité de la représentation).

Représenter (correctement) aurait pu aider cet élève, qui a répondu ceci au final :

Capture d_écran 2018-12-30 à 17.05.08

Ainsi, cette réflexion met en lumière le propos de Christophe : l’importance de tout le travail nécessaire et sans doute trop peu développé
 pour apprendre aux enfants à représenter pour réfléchir, pour faire naître une intuition, pour résoudre et pour vérifier. Représenter, ça s’apprend. Car en effet, “très souvent l’enfant qui n’arrive pas à dessiner/à représenter la situation n’a pas les clés pour construire son raisonnement mathématique.” Parfois aussi l’enfant ne s’autorise pas à représenter, parce qu’il ne sait pas ce qu’il a le droit de faire. Alors il se censure. Il faut donc, dans les deux cas, donner des méthodes pour représenter, par exemple en s’appuyant sur les diverses représentations des élèves eux-mêmes, en organisant un débat avec les enfants. C’est tout l’enjeu du travail sur l’erreur, qui permet d’apprendre et de déculpabiliser.

Toujours sur le problème des oeufs, un autre élève encore, en difficulté en maths, avait réussi à résoudre le même problème, en représentant ainsi :

20181207_202945

Il était tout content, le bambin, d’avoir trouvé. Il n’avait indiqué aucune opération, car il n’avait pas reconnu la soustraction du point de vue de l’opération, mais il avait écrit “9” dans le cadre de la phrase réponse. Comme il est souvent agité, on aurait pu penser qu’il avait entendu la réponse ou pioché sur la feuille de sa voisine. Sauf que non : lorsque je lui ai demandé pourquoi 9, il m’a montré son schéma, sans un mot. Je lui ai demandé ce qu’il avait représenté, et il m’a expliqué qu’il avait dessiné, en vert, le panier de maman, avec douze oeufs dedans, chacun représenté plus ou moins par un “rond”. Et il en a barré trois. “Mais je n’étais pas sûr”, me dit-il, “parce que souvent j’ai faux. Alors j’ai fait un autre dessin, et j’ai fait pareil sauf qu’à la fin j’en avais marre des rond c’est du de faire des ronds, j’ai fait des bâtons. C’est pareil en fait. Mais un oeuf c’est rond. C’est grave que j’ai fait des bâtons ?” Je l’ai rassuré et il a dénombré devant moi, pour arriver à 9.

Voilà un exemple qui montre bien l’importance de la représentation et son rôle dans la compréhension et la résolution de problème. Cet enfant a même progressé tout seul entre ses deux représentations.

La clef est bien la différenciation.

Merci Christophe ! 🙂

A l'attaque ! · Chez les collègues · Chez moi · cycle 2 · Mes projets · Tous ensemble !

Des problèmes et du collectif

Hier je présentais ma première version de la fiche de résolution de problèmes que j’aimerais tester dans les classes dans lesquelles je me rends chaque semaine, en cycle 2. L’idée est que les enfants puissent aller chercher des fiches et les résoudre en autonomie ou au moins en semi-autonomie (il y a beaucoup de non-lecteurs dans ces classes, et il faudra sans doute leur lire le texte).

Vous avez été plusieurs à me donner vos avis, et je vous en remercie : j’ai pu cogiter hier et aujourd’hui. Vos réflexions m’ont accompagnée pendant que je faisais un crumble poires-pain d’épices, pendant que je cuisinais un cheese-cake new-yorkais, pendant que je m’appliquais à préparer un carrot cake, pendant que je faisais mon ménage, dans le bus pour aller acheter de quoi faire de petites carottes en pâte d’amande… Conclusion : vous avez raison, la demande explicite d’opérations, ça ne va pas :

  • un problème ne porte pas forcément sur du numérique exclusivement. Et du coup, cela met en évidence que je dois chercher des problèmes hors numérique. Pour le moment je suis restée focalisée sur les typologies de Vergnaud, parce que ça répond à deux commandes que j’ai reçues en même temps. Mais je dois prendre du recul ;
  • ” cela renforce l’idée chez les élèves que résoudre un problème c’est faire une opération ; ça empêche donc de lutter contre leur tendance de prendre les nombres disponibles pour faire une opération sans avoir lu le problème” (merci Nicolas P ! 🙂 )

Un autre commentaire m’a donné enviée proposer des problèmes en lien avec des lectures d’albums ou de textes. Il faut que je creuse de ce côté, mais je n’ai pas beaucoup d’albums à la maison, et je ne sais pas quels sont les titres “classiques” dans les classes et ce qui est bien adapté au cycle 2. Là aussi, je veux bien de l’aide pour avoir des références. Ensuite j’en sortirai des problèmes.

J’ai hésité à placer la phrase réponse avant ou après la justification. Je suppose qu’il est préférable d’écrire la phrase réponse à la fin, mais je ne suis pas sûre, quand je réfléchis à ce que j’observe chez les enfants. Qu’en pensez-vous :

Version après :billesCLv2

Version avant :

Capture d_écran 2018-12-30 à 16.31.41

Le mot stratégie devra être expliqué par l’enseignant. De toute façon, il faudra présenter cette fiche aux élèves et la tester d’abord tous ensemble pour qu’ils puissent devenir autonomes au maximum.