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L’ “amour compassionnel”

BonjourUne question revient régulièrement, qui me tient à coeur : “Faut-il aimer ses élèves “. La 9782738146601.jpgquestion est réapparue dans mon quotidien deux fois le même jour : avec une de mes classes, puis sur le Café Péda, avec un article consacré à Mael Virat, chercheur en psychologie à l’ENPJJ et auteur de l’ouvrage Quand les profs aiment les élèves, chez Odile Jacob.

Un de mes élèves m’a demandé : “Madame, est-ce que vous nous trouvez, euuuuh, comment dire, enfin, chiants, quoi ?”. Je lui ai demandé de reformuler, en utilisant un langage adapté à la situation. Alors il a hésité, et a fini par arrêter son choix sur “fatigants”.

“Oui”, ai-je répondu, “vous êtes fatigants, mais ça c’est normal, puisque vous êtes l’objet de mon métier. Et un métier, c’est fatigant, ça demande des efforts. Mais vous n’êtes pas que fatigants. Vous êtes parfois franchement pénibles, souvent ramollos, parfois carrément glandouilleurs, de temps en temps complètement bêtas. Et puis vous êtes aussi intéressants, parfois drôles, sympathiques, malins, complexes, souvent intelligents.”

Mon élève et ses camarades ont eu l’air satisfaits (que c’était-il passé juste avant qui justifie cette question, je l’ignore…). Celui qui l’avait interrogé s’est exclamé “Ah oui, c’est nous, ça! Rho en fait, on est hyper compliqués, c’est dingue!” et un autre m’a dit : “en fait, de toute façon vous nous aimez bien, madame.”

À cela, j’ai répondu “oui, je vous aime bien. Je ne suis pas là pour ça, je suis là pour vous enseigner, je suis là pour que vous appreniez pour pouvoir devenir adultes dans les meilleures conditions possibles, mais en même temps, je vous aime bien. Comme toutes mes classes, même celles qui m’en ont fait voir de toutes les couleurs. Mais ça n’a rien d’obligatoire, pour un prof, d’aimer ses élèves : c’est juste moi qui suis comme ça, ça n’a rien à voir avec les qualités professionnelles”.

Je suis vraiment persuadée de cela. Le respect, oui, c’est indispensable. L’empathie aussi (que je distingue de la compassion, bien sûr). Mais pas l’affection. Il se trouve que je vis ma vie ainsi, que je fonctionne ainsi. Longtemps, j’ai botté en touche sur ce genre de questions : il me semblait plus ou moins honteux de l’avouer.

Alors que nous dit Mael Virat ? “Il démontre, études à l’appui, que l’implication affective des professeurs ne nuit pas aux apprentissages des élèves”. Ah bin ouf, j’aurais été bien embêtée. “Par ce livre, Mael Virat veut lever un tabou dans un système éducatif qui veut instruire plus qu’éduquer et où les relations personnelles sont encore très mal considérées.”

Extraits de l’entretien avec le Café Péda :

Quand on se pose la question des limites, c’est un indice qu’on conçoit encore mal le type de lien affectif dont il est question. Ce n’est certainement pas devenir copain avec l’élève. L’amour compassionnel est une relation asymétrique de responsabilité de l’adulte envers l’enfant. Cette responsabilité implique un intérêt pour l’enfant et une grande attention. Cela coûte de l’énergie et fait que l’enseignant est personnellement affecté émotionnellement par la réussite ou l’échec de l’élève. Mais il sait qu’il n’a pas à attendre grand-chose en retour. C’est une relation qui n’a pas besoin de limites car par définition elle est attentive à l’autonomie de l’élève. C’est le contraire du copinage, de l’intrusion ou de la relation amoureuse.

Le tabou n’est pas lié à un danger. Il a à voir avec l’histoire de l’école française, avec la manière dont on forme les professeurs en mettant l’accent sur l’instruction.”

Interrogé sur les gestes professionnels engagés, Mael Virat répond : “Ce sont des choses simples. Des marques d’attention souvent non verbales. Les élèves y sont sensibles même quand ils n’en sont pas conscients. Le ton pris pour échanger ou répondre aux questions de l’élève par exemple. La joie exprimée pour sa réussite. Des attentions en dehors de la classe. Des gestes qui montrent que l’enseignant est affecté par sa relation avec l’élève. Ça peut être de la joie, de l’enthousiasme ou même de la colère du moment que ça montre l’implication du professeur dans la relation avec l’élève.”

Ca tombe drôlement bien tout ça : la joie et l’enthousiasme, c’est mon carburant. 100% bio et renouvelable.

Par contre, je préférerais emphatique plutôt que compassionnel, du point de vue du lexique.

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l’International Women in mathematics day

L’union mathématique internationale a proposé qu’à partir de cette année, le 12 mai (le jour de l’anniversaire de Maryam Mirzakhani) soit institué l’International Women in mathematics Day. Maryam Mirzakhani était une mathématicienne iranienne, décédée d’un cancer du sein en 2017, à seulement 40 ans. Elle est la première et seule femme à avoir obtenu la Médaille Fields en 2014.

L’apparition de cet événement n’a pas échappé à notre excellent collègue François Sauvageot. Au travers de son association, Résonance – Art & Science, qui fait se rejoindre arts vivants et sciences, et en partenariat avec le Lieu Unique, François participe à l’élaboration et l’organisation nantaise de l’événement : une dizaine de personnes, d’origines variées, ont carte blanche pour dire en cinq minutes ce que la figure de Maryam Mirzakhani évoque pour elle. Les chanceux pour qui Nantes est à portée pourront donc se rendre dans le Salon de Musique du Lieu Unique, samedi 25 mai 2019 de 19h à 20h, et l’entrée est libre.

Raconte-moi

J’aurais adoré y être, d’autant que Maryam Mirzakhani était vraiment une femme émouvante.

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