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“Gabriel Attal montre une volonté de contrainte et non une volonté d’autorité, c’est fort différent” (Sebastian Roché)

Gabriel Attal adhère à cette même philosophie démagogique et populiste qui veut qu’à tout problème complexe, il y a une solution simple. Mais à chaque fois, c’est la mauvaise.

Eric Debarbieux, Le Monde

Gabriel Attal déteste-t-il la jeunesse ? Ou bien cherche -t-il maladroitement et de façon bien mal avisée à rallier les électeurs tentés ou acquis au Rassemblement National ? Ou bien encore a-t-il besoin d’exister par des effets d’annonce, dont il ne perçoit pas le décalage avec la réalité ? Et comment se fait-il que ses conseillers ne lui indiquent pas qu’il est gravement à côté de la plaque, qu’il creuse lui-même des fossés, dans une société déjà clivée ? Je ne comprends pas. Cela fait des mois que je me trouve dans un état de sidération, mais ces dernières semaines sont encore plus stupéfiantes.

« Il ne faut pas avoir peur des mots », dit Gabriel Attal en évoquant la « violence débridée » de la part de jeunes « de plus en plus jeunes », dans cet article du Monde. Mais non, et statistiquement non, factuellement non. Sebastian Roché, politiste et auteur, l’expose très clairement dans un article du Café Pédagogique :

Il existe des faits de violence très graves qui se produisent, mais les tendances dans la société française, en général et pour les mineurs en particulier, ne sont pas à l’aggravation.

Nous sommes sur des planchers historiquement bas de la violence homicide. Des planchers sur lesquels il y a un rebond – ce n’est pas une inversion de tendance, et il est lié non pas aux jeunes, mais à des organisations criminelles qui ont développé le trafic de la cocaïne avec 47 morts à Marseille l’année passée, par exemple, liés à ce trafic. (…) Ce n’est pas un problème moral, mais un problème d’économie et de régulation d’un marché.

Dans les enquêtes que nous faisons auprès des jeunes pour évaluer la gravité perçue des faits, nous constatons qu’ils ont une évaluation calquée sur celle du système pénal. La violence avec homicide, la violence avec armes sont tout autant condamnées chez les jeunes que chez le reste des Français… Notre jeunesse a donc la même grille d’évaluation de la gravité que la population générale.

Des commentaires politiques veulent nous faire croire à une tendance, alors que scientifiquement, c’est faux.

Sebastian Roché, politiste et auteur

Sébastian Roché explique que certaines nouvelles formes de délits sont plus fréquents aujourd’hui chez les jeunes, comme le harcèlement numérique. Mais il n’y a pas plus de racket, par exemple. Et 30% de jeunes de moins qu’en 2000 consomment du cannabis, ce qui est toujours un délit en France, sauf usage privé thérapeutique.

Monsieur Attal est donc en train d’agiter des épouvantails qui modifient la perception des jeunes. C’est grave, très grave. Nous sommes déjà organisés par classes sociales et culturelles, par genres, par choix de sexualité, par origines familiales, et voici que nous ajoutons le mépris des jeunes. Pas de doute, voilà un projet de société qui va sur la bonne voie… Misère.

A Nice, monsieur Attal était accompagné de monsieur Dupont-Moretti, pour inaugurer le premier « internat éducatif », qui, je cite, “doit redonner aux jeunes le goût du civisme et de l’effort, en un temps éclair“. mais oui bien sûr. C’est le moment de relire la phrase d’Eric Debarbieux, en en-tête de cet article. Et Nicolae Belloubet, elle, était absente, ce qui constitue également un symbole. A ce sujet, Nicole Catheline, pédopsychiatre et fondatrice d’un centre pour enfants déscolarisés à Poitiers, déclare : « C’est préoccupant, car cela insiste sur la dimension justice des mineurs et pas sur l’aspect éducatif. » C'(était déjà le cas avec cette idée d’enfermer les élèves de 8h à 18h du lundi au vendredi au collège. Ah non, pardon, le lendemain l’annonce précisait que cette brillante idée ne ciblerait que les élèves de REP et REP+, induisant que ce sont eux les graines de racaille et permettant à d’aucun de se réjouir de la perspective de voir moins de pauvres (qu’ils ne voient pas, de toutes façons). C’est envisager l’école comme un lieu de rétention, alors que ce doit être un lieu d’épanouissement, de révélation de la personne pour mieux être au monde. Ah mais finalement rétro2-pédalage, cette mesure sera destinée aux volontaires. C’est vrai qu’on n’a déjà plus assez de profs, pas assez d’AESH, pas assez d’AED, et la police est occupée… C’était techniquement délicat, mais ça, personne ne l’a dit aiu premier ministre avant qu’il ne s’emballe. Dans le fond, peut-être ses conseillers veulent-ils lui nuire.

Gabriel Attal montre une volonté de contrainte et non une volonté d’autorité, c’est fort différent. La volonté d’autorité serait que l’État regagne le crédit moral, le prestige qui fait que ses injonctions sont écoutées, précisément sans contrainte. C’est la différence classique entre le consentement et la coercition.

(…) La coercition, on la maîtrise, parce qu’on a les moyens de la mettre en œuvre, mais l’autorité, on vous la reconnaît, et cela les professeurs le savent bien.

Sebastian Roché, politiste et auteur

Je vous conseille vivement la lecture de l’interview de Sebastian Roché, sur le Café Pédagogique. Il est clair et étayé. Son propos sur la notion de compétence est très intéressant.

Gabriel Attal remplace la politique publique, l’action, par une indignation morale. C’est moins coûteux. Et, pour se disculper de toute responsabilité, le Premier ministre pointe du doigt les autres, en l’occurrence les parents. Ce n’est pas sans rappeler les émeutes de juillet dernier. Un policier tue un gamin qui ne le menace pas, et le Président explique que les émeutes sont de la responsabilité des parents.

Sebastian Roché, politiste et auteur

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