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Un peu d’orthophonie ?

Ce matin, nous retrouvons Frédéric Pasquet, orthophoniste et linguiste, directeur de département orthophonie, UFR Santé à Rouen, qui nous a déjà formés plus tôt cette année. Voici mes notes, comme d’habitude issues d’une sélection subjective, un peu décousues sans doute car je suis enrhumée.

Quand on fait une tâche, on ne mesure jamais un seul processus cognitif du modèle. On le mesure aussi, on le mesure notamment, mais pas exclusivement.

La caractéristique des “enfants qui vont bien”, c’est l’homogénéité des performances dans une zone restreinte de variabilité. Evidemment, on préfère une homogénéité haute, mais ce peut être homogènement bas : il y aura juste des performances moindres. Ainsi, un trouble c’est une hétérogénéité des performances. Le trouble, c’est ce qui est rare. Et ce qui est rare, c’est l’hétérogénéité. Un trouble peut par exemple correspondre à des performances hautes, avec une performance significativement plus basse, mais plus haute que pour un enfant qui n’a pas de trouble, mais avec une homogénéité plus basse. Compte-tenu des normes, un trouble est associé à une dissociation.

L’environnement ne peut pas soigner un trouble. L’environnement joue beaucoup plus sur les enfants sans trouble. Il a une influence vraiment moindre sinon. Mais il joue dans le fait que l’enfant se sent bien, vit mieux avec son trouble.

Nous avons découvert Clea, un outil numérique standardisé et étalonné, publié en 2014. C’est un outil dont Frédéric Pasquet est coauteur, mais qui ne nous est pas accessible, à moins d’avoir beaucoup de sous. C’est un outil vraiment intéressant et bien fichu. J’ai mis du temps à comprendre la différence entre sé&mantique et syntaxique, justement parce que bien souvent tout est un peu mélangé. Je me suis fabriqué des théorèmes en acte, mais parfois cela ne suffit pas et je me trompe. Phonologique et lexical, c’est clair.

Les questions posées ne sont pas mono-tâches, car faire des progrès en contexte c’est améliorer le fonctionnement linguistique global. Améliorer directement les performances sur une tâche visée (comme l’écriture de mots) ne suffit pas : il faut produire une réorganisation du fonctionnement, ne pas se contenter d’une amélioration des effets de tâches. Autrement dit, automatiser ne suffit pas. Automatiser n’est pas synonyme de remédier au sens de donner accès à de l’autonomie et de développer la capacité à transférer à d’autres contextes.

Les approches métacognitives peuvent être déployées en complément d’approche qui font automatiser : pour pouvoir réfléchir à comment je fonctionne, il faut déjà fonctionner un peu. C’est dans un second temps.

La prosodie est un des piliers précoces d’ancrage du sens. La prosodie permet de lever des ambiguïtés dans la reconnaissance de vignettes, même chez les tout petits. Certains enfants comprennent globalement bien ce qu’on leur dit juste grâce aux intonations. Le contexte joue aussi beaucoup.

Frédéric Pasquet nous a conseillé Tacit, pour le travail sur les inférences à l’écrit. Cela tombe bien : j’adore cet outil.

Il est très important de toujours relier l’orthographe au sens : les enfants vont avoir tendance à accélérer sur l’identification des mots en déconnectant du sens. Autrement dit, la fluence, pour des enfants qui ont des troubles, c’est une catastrophe. Cela risque de limiter dramatiquement l’accès au sens. L’accélération de la lecture des mots doit être la conséquence, pas le moyen, de l’aide apportée.

Selon Frédéric Pasquet, la mémoire de travail se développe sur la lecture, et sinon c’est de la mémoire à court terme.

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Et si la violence de classe était d’abord une question d’omissions ?

Un article du Nouve Obs, par Gurvan Le Guellec, aborde le fait que les dispositifs ULIS (unités localisées pour l’inclusion scolaire) et les classes SEGPA (Section d’enseignement général et professionnel adapté) ne sont absolument pas prises en compte dans la réforme du gouvernement. L’article est en accès libre.

Cela fait tout de même 86 000 élèves confrontés à des difficultés d’apprentissage, regroupés dans les sections Segpa, et 48 000 autres en situation de handicap, réunis dans les dispositifs Ulis, qui sont laissés pour compte dans la réforme.

La note de service publiée par le ministère mi-mars indique diplomatiquement qu’il s’agira de « constituer des groupes évolutifs en fonction des besoins et compétences des élèves, sans que d’autres critères, tels que la situation de handicap, n’entrent en ligne de compte ». Mais la question reste ouverte : où diable va-t-on « inclure » nos Ulis ? Chez les forts, au risque de les noyer, même si des enfants handicapés peuvent maîtriser avec beaucoup de talent certaines compétences et disciplines ? Ou chez les faibles, au risque de mieux les stigmatiser ?

Gurvan Le Guellec

Le 3 avril, après quelques remous dûs à l’opposition à une heure enlevée aux SEGPA pour tenter de boucher les trous en enseignement régulier (pour les groupes de niveau totalement fantasques en plus d’être philosophiquement répugnants), Nicole Belloubet a affirmé au Sénat que « deux heures supplémentaires seront [finalement] données aux Segpa ». Mais en fait, non : ces deux heures ne sont que les deux heures de soutien déjà annoncées, dont les élèves de Segpa « font évidemment partie » et « pourront » bénéficier, à condition d’avoir des prof (ou autres, allez…) en face d’eux… Les élèves des dispositifs ULIS aussi, évidemment, s’ils sont dans leur classe de référence sur ces heures et dans ces disciplines.

Une autre annonce m’inquiète : on nous dit que pour aller au lycée, il faut le DNB. Je ne suis pas sûre, car la communication du gouvernement est absconse et à géométrie variable, mais j’ai cru comprendre que cela concernait l’accès au lycée pro et au lycée général. Le niveau minimal visé en sortie de dispositif ULIS est le niveau fin de cycle 3. Il est assez rare que des élèves de dispositif ULIS passent le DNB. Mais alors que propose-t-on à nos élèves ? Elles et ils sont capables de réussir au lycée professionnel, pourtant. Avec ou sans le DNB, qui est un exercice scolaire très stéréotypé et heureusement non prédicteur.

Et si la violence de classe était d’abord une question d’omissions ?

Gurvan Le Guellec