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L’enseignement explicite : oui, mais pas seulement

Début mars 2024, Sylvain Connac (enseignant chercheur en sciences de l’éducation à l’université Paul-Valéry Montpellier 3, laboratoire Lirdef), a publié sur le site des Cahiers pédagogiques un article sur l’ “enseignement explicite, données probantes et pédagogie“. Nous parlons donc bien ici d’enseignement explicite au sens du courant pédagogique.

J’ai trouvé cet article réconfortant : je ne suis partisane d’aucune chapelle pédagogique. Je sais que je suis qualifiée par certains de socio-constructiviste, et c’est sans doute souvent vrai. Pour d’autre, je suis une pédagogo, et ça c’est idiot, dans le fond et dans la forme. Si je crois au conflit socio-cognitif, aux pédagogies qui rendent les élèves curieux, leur donnent envie de comprendre, les placent dans une posture réellement active intellectuellement, j’ai aussi recours au travail d’automatismes, et parfois d’ailleurs c’est l’automatisme qui me permet d’arriver à un vrai questionnement chez l’élève, en deuxième mouvement. En fait, je me fiche bien des tendances et des étiquettes. Je veux “juste” faire réussir les élèves qui me sont confiés.

Il y a des années, je me souviens être allée voir du côté de l’enseignement explicite. Si je n’avais pas été convaincue de façon généralisée, j’y avais reconnu des pratiques auxquelles j’ai recours dans certains contextes, dans certains domaines. Mais je restais gênée, par exemple par le mot “modelage”, par l’aspect qui me semblait très répétitif de cette méthode, et transférable à n’importe quel objectif. Cela dit, j’ai conscience que mon regard de l’époque devait être réducteur. Depuis j’ai mieux compris que dans l’enseignement explicite aussi, la nuance et la non exclusivité sont revendiquées par certains. Mais pas par tous, ce qui est regrettable je pense. J’avais été frappée par des prises de bec numériques. Comme le temps était aux piques et aux réponses ironiques, j’avais rangé mes questions et sagement passé mon chemin en continuant de me centrer sur mes élèves, sans rejeter les propositions de ce courant en bloc pour autant, mais en m’éloignant des réponses, sur les réseaux, qui ressemblaient à des tentatives de prise de pouvoir par l’autorité. Sylvain Connac écrit ceci, qui résonne par rapport à ce que j’ai observé à cette époque :

Les tenants de ces théories excluent toute autre approche scientifique que la leur et s’approprient ainsi ce que serait la science, souvent de manière particulièrement condescendante d’ailleurs. Contestant le principe essentiel de toute démarche scientifique, la réfutabilité des résultats, ils avancent des « preuves scientifiques indiscutables ».

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Sylvain Connac explique dans son article que les travaux réalisés côté enseignement explicite font le choix de ne pas considérer d’autres travaux, qui mènent ailleurs.

La position défendue par l’evidence based est qu’elle serait la seule conception non-idéologique, parce qu’elle prendrait uniquement appui sur des preuves scientifiques et des données probantes. Outre la grossière tentative d’accaparement de la notion de science, les travaux de Nadia Ravaz et Hugues Draelants ont montré que ce paradigme est clairement influencé par et compatible avec le néolibéralisme.

(…)

En voulant prouver scientifiquement des pratiques pédagogiques, l’evidence based va beaucoup trop vite puisque les résultats scientifiques sur les pédagogies démocratisantes ne sont pas encore suffisamment ancrées sur les terrains éducatifs.

Il existe de nombreux travaux scientifiques en épistémologie qui critiquent de manière étayée les pratiques de l’evidence based (Stéphanie DemersSylvain Wagnon et Sihame ChkairCharles-Antoine Bachand, et d’autres), certains allant même jusqu’à qualifier l’evidence based comme relevant d’une pseudoscience.

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Mais Sylvain Connac souligne aussi les potentiels intérêts des travaux liés à l’enseignement explicite, qui produisent aussi des avancées. Alors le dogmatique non, la démarche scientifique oui, le mélange des genres aussi, sans oublier le dialogue paisible. Je voudrais pouvoir m’améliorer professionnellement, en adaptant les apports de la recherche aux besoins de mes élèves, à mon contexte et à ma personnalité, mais s’il vous plaît, sans me faire taper dessus et en étant moi-même active. Le tout avec les outils de l’enseignement explicite à ma disposition, qui me sont parfois particulièrement utiles en ULIS.

Nous pourrions alors cesser d’entretenir des antagonismes stériles pour mettre en commun les forces en présence et construire collectivement une école en mesure de répondre aux défis d’une démocratisation des progrès individuels des élèves.

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Mais je crois que justement, cette étape des “débats” est derrière nous. Et c’est bien : tous ensemble !

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