Ma fille Alice a terminé sa scolarité de lycéenne. Elle a passé le bac. Elle l’aura, et si elle ne l’avais pas eu elle n’aurait pas repiqué, car son spectre autistique a fait de ce bac une épreuve incroyable.
Devant les obstacles qui se dressaient devant elle, et de ce fait devant nous, j’ai alerté, demandé de l’aide au ministère de l’éducation nationale, à monsieur et madame Macron, à des ministres, des députés, des sénateurs. J’ai reçu une réponse du cabinet du Premier ministre, qui m’a avisée que le ministère de l’éducation nationale me répondrai. J’ai ensuite reçu une réponse du ministère de l’éducation nationale, qui m’a dit que pour le principe d’équité, ma fille devait passer le grand oral sans aménagement de l’entretien. Et puis rien d’autre.
Nous avons donc fait simple : elle a écrit son grand oral, son accompagnatrice l’a lu, et a ensuite informé le jury qu’elles s’en allaient toutes les deux et que ce n’était pas grave. Parce que le jury était un peu déstabilisé, forcément, et embêté : les collègues veulent bien faire les choses, en général.
Alice est ressortie fatiguée mais apte à communiquer avec moi, et tournée vers de nouveaux projets. Le but est donc atteint : traverser sa scolarité secondaire sans s’abîmer. Avec en cadeau bonus le bac, pour lequel elle a bossé avec un grand sérieux.
Sauf que seuls, nous n’aurions sans doute pas réussi ; au moins pas ainsi, mais peut-être pas du tout.
L’équipe de vie scolaire, en collaboration constante avec l’infirmière, nous ont proposé des aménagements de scolarité auxquels nous n’avions pas pensé, dès la seconde, avec une intelligence et une bienveillance formidables ;
Le secrétariat a été d’une vigilance continue pour nous transmettre les documents, demander les aménagements, vérifiant toujours que la communication fonctionnait ;
L’équipe de direction est montée au créneau pour plaider la cause d’Alice, a organisé ses épreuves de bac, a communiqué avec l’établissement d’accueil pour les épreuves, a répondu aux dizaines de mails et de coups de téléphone de la maman souvent angoissée que j’ai été ;
Des inspecteurs se sont mobilisés, par exemple pour aménager l’épreuve pratique de NSI, avec un naturel et une efficacité désarmants. L’épreuve s’est super bien passée d’ailleurs ;
Les enseignants se sont adaptés, devant des situations inédites. Ils ont été fidèles et constants, acceptant de suivre Alice sur ses trois années pour ne pas changer ses repères (merci David !) ;
Marie, l’AED qui a accompagné Alice, a même pris un jour de congé pour venir avec elle au grand oral… Sans nous le dire, juste comme une évidence.
Personne, mais absolument personne ne nous a jamais dit ni sous-entendu qu’Alice “n’avait qu’à respirer un bon coup de se lancer”, par exemple. Toutes et tous l’ont et nous ont respectés, et ont eu l’air de la faire de façon naturelle.
Alors autant je me suis insurgée (et je continuerai) contre l’institution au niveau national, autant aujourd’hui je veux remercier publiquement cette équipe et ces personnes, singulières, qui ont permis qu’Alice arrive au bac. Grâce à elles et eux, Alice forme des projets nouveaux et personnels, qui ne seraient pas possibles sans ce fichu bac.
Mesdames, messieurs, vous avez participé à la construction de la vie d’une jeune personne extraordinaire.
Merci.