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Faire bouger les lignes

Pour la quatrième année consécutive, je travaille avec Laura, qui est AED en préprofessionnalisation. Je parle souvent de Laura ici, car elle est formidable et m’apporte beaucoup. Elle m’aide à réfléchir, est force de proposition, a l’esprit très structuré et très pratique. Elle a plein d’idées.

Quand l’année dernière j’ai décidé de demander à partir en enseignement adapté, je n’en ai parlé à personne, à part à mes proches, parce que je voulais l’annoncer moi-même à Laura. Je savais que ce serait compliqué, car nous nous étions projetées pour une quatrième année ensemble. Le principe d’AED en prépro est assez formidable : l’étudiant(e) assure un certains nombre d’heures dans l’établissement chaque année, de plus en plus au fil du temps, et sa rémunération augmente aussi. Au départ c’est de l’observation, avec des échanges avec le tuteur, puis on co-intervient, puis on co-enseigne, puis l’AED est en responsabilité des groupes et peut enseigner seul(e). Dans le cas de Laura, sa curiosité et sa grande motivation pour enrichir ses connaissances et développer ses pratiques l’ont amenée à me suivre aussi en formation (où j’étais formatrice), et aussi en classe en école. En plus, elle lit. Beaucoup. Intelligemment. En un peu plus de trois ans, elle a développé une professionnalité de fou. Et un lien fort s’est créé entre nous. Nous ne sommes pas “copines”, nous ne passons pas du temps ensemble en dehors du travail par exemple, mais j’ai une confiance absolue en Laura et travailler avec elle est une chance pour moi. J’espère que la réciproque est vraie, mais je pense lui avoir mis à dipositition pas mal de choses. Elle s’en est emparée. Rien ne l’arrête. En plus elle a des valeurs.

Donc lui annoncer que j’allais finalement la lâcher en cours de route n’était pas facile. J’ai attendu de la revoir en présentiel (avec les examens universitaires, je ne la vois pas pendant quelques semaines parfois). Quand elle est revenue, je nous ai aménagé un moment pour échanger. Mais je connais Laura : je savais qu’elle allait sans doute être sujette à une forte émotion, et je savais aussi que l’inclusion l’intéresse. Après tout, après trois ans en classe ordinaire, pourquoi ne pas terminer, l’année du CAPES, en ULIS ? Cela ferait une super expérience… Je ne voulais surtout pas la forcer, mais j’étais prête à monter au créneau pour essayer de rendre cela possible.

Comme je m’y attendais, Laura a encaissé comme elle a pu, et puis a réfléchi très brièvement avant de me demander s’il n’était pas possible de continuer quand même ensemble. Je lui ai expliqué que cela ne s’était jamais fait, que j’allais changer de fonction et d’établissement, ce qui dansnotre administration un tantitnet rigide place la barre assez haut, mais que j’y avais également réfléchi et que j’étais prête à tenter le coup.

Vous dire que tout a été comme sur des roulettes serait mentir. Du “Ah non, ça ne s’est jamais fait, c’est impossible” initial d’une personne au rectorat (auquel j’ai répondu : “Justement. Profitons-en, innovons. Vous aimez ça, les projets innovants, non ? Et si ça concerne l’inclusion c’est encore mieux !”) au “Mmmmmh, super idée !” des IA-IPR et de l’INSPE, on en a sué. Sans parler de la signature du contrat de Laura, digne d’une saison entière de la sitcom la plus absurde qu’on puisse trouver.

Mais voilà : Laura va avoir sa visite de stage, là, en période 2, dans le cadre du master MEEF et du CAPES de maths, et elle a choisi que cela se fasse dans le dispositif ULIS. Elle aurait pu situer sa visite en classe ordinaire, c’était possible et même facile. Mais au lieu de cela, où elle aurait été comme un poisson dans l’eau, elle va enseigner les fractions à des élèves en situation de handicaps variés, de la 6e à la 3e. Elle a tout bien préparé depuis plusieurs semaines, et améliore, améliore encore, adapte, réfléchit des réponses pédagogiques et didactiques à des difficultés éventuelles.

Ca, c’est un vrai projet inclusif : adapté, ordinaire, peu importe. On enseigne, à toutes et à tous. Je suis super fière d’avoir réussi à trouver des interlocuteurs qui nous suivent et nous ouvrent les portes. Je suis super fière de contribuer au développement professionnel de Laura. Et là où nous aurons gagné, elle, moi, nos IA-IPR et les formateurs INSPE, c’est si cela fait tâche d’huile. Par exemple, je pourrais accueillir des AED en prépro motivés par l’enseignement spécialisé, en quatrième année. Ces jeunes collègues diffuseront une vision inclusive de l’enseignement des mathématiques dans leurs classes ordinaires auprès de leurs collègues, au niveau de leur réseau, parce qu’ils sauront de quoi ils parlent, parce qu’ils l’auront réfléchi, vécu.

C’est une jolie aventure, rendue possible par de belles personnes, et par l’existence du statut d’AED en prépro, merveilleuse idée. Ca fait du bien.

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Qu’enseigner en ULIS ?

Avant la rentrée de septembre, j’avais imaginé un emploi du temps avec des matières à enseigner, heure pas heure, en ULIS. Et puis ça n’a pas fonctionné du tout. J’ai conservé des heures d’anglais, de projet correspondance, de programmation et d’orientation, mais sinon je définissais les objectifs de chacun(e) au fur et à mesure, avec comme outils les plans de travail et les sites et appli que je trouve utiles pour apprendre. Et puis la première période de formation est arrivée et m’a permis d’envisager les choses différemment. Je reviens à un emploi du temps plus disciplinaire, mais plus réaliste aussi : je ne peux pas faire bénéficier tous les élèves du dispositif de toutes les heures d’enseignement en ULIS, car ils et elles sont dans leurs classe de référence à des moments différents. Je n’ai aucune heure avec les mêmes élèves. Il me faut faire des choix, être adaptable et amener tout le monde le plus loin possible par des voies différentes.

Mon objectif prioritaire, c’est travailler la maîtrise de la langue, au travers de l’écrit et de l’oral. Mais pour cela, j’entre par des projets qui portent d’autres objectifs : le développement de l’esprit critique, les débats philo, des études d’événements historiques, etc. Les sciences ne sont pas laissées de côté : des maths sous toutes leurs formes, de la programmation, de l’astronomie, la démarche scientifique en colonne vertébrale. Et puis il y a l’anglais, évidemment, et le travail sur l’orientation et le projet de vie.

J’avais beau avoir des objectifs clairs par rapport à la première période, constituer cet emploi du temps a été vraiment compliqué. On verra s’il est fonctionnel. Pour certains élèves, cela fait beaucoup, et je devrai sans doute aménager les séances pour qu’ils et elles arrivent à tenir la distance sans s’épuiser. Mais ces élèves m’avaient montré une belle appétence en première période. Espérons qu’elle n’a pas fondu avec mon non remplacement.