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Isolée, mais pas seule

Je suis petite joueuse : c’est “seulement” la deuxième fois que j’ai le Covid. Manque de chance : je tombe malade pile lors de la première semaine de formation pour préparer le CAPPI et le master 1 BEP, ce qui est assez extraordinairement frustrant. J’ai suivi tant bien que mal la matinée d’hier, et puis je me suis fait tester, et j’ai lâché l’affaire : rien que rester assise, et encore plus suivre, avec une grosse fièvre, était compliqué. Et puis j’aurais mis mes collègues en danger.

Mais voilà, cette formation implique des personnes qui ont à s’adapter au quotidien à leur public scolaire. Il n’a pas fallu longtemps pour que, en plus de gentils messages de soutien, je reçoive les notes prises en cours, tout bien détaillées et tout. Je vais pouvoir reprendre ces contenus dès que je serai un peu claire dans ma tête.

Je n’ai pas non plus pu assister à la réunion dans laquelle intervient en ce moment la DASEN, qui accueille les coordos ULIS. Zut zut zut, j’aurais pu aborder la question de notre non remplacement, dans les ULIS collèges. Heureusement là encore mon chef d’établissement y est et je sais qu’il défend nos élèves, avec la même sincérité et la même énergie que moi. Et mon mari me fera un bilan précis de ce qui a été dit.

En parallèle, Laura, AED (en prépro dans ma classe) et le CPE et les AED de la vie scolaire de mon collège se démènent pour pallier mon absence. J’ai tout préparé pour toute la semaine, élève par élève, et j’y retournerai dès que je ne serai plus contagieuse pour renouveler les plans de travail et emmener les travaux réalisés, pour les corriger, les évaluer, et construire dessus.

Ca fait vraiment du bien de se savoir entourée. C’est apaisant.

Celui dont j’aimerais bien qu’il me lâche un peu, c’est le virus du Covid. On n’a pas idée d’être aussi minuscule et enquiquinant à la fois.

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L’école, un fardeau ?

Jean-Paul Delahaye, ancien directeur général de l’enseignement scolaire, a écrit aujourd’hui une tribune dans Le Monde.

Comme toujours, Jean-Paul Delahaye a un propos clair et argumente, grâce à sa très grande culture du système scolaire et de l’histoire de l’enseignement. Pour commencer, il reconnait un état de lieux inquiétant dressé par les évaluations nationales et internationales, et précise d’emblée que “l’engagement professionnel des enseignants du premier degré n’est absolument pas en cause ; ils sont les premiers à vouloir la réussite de tous les élèves et à être désolés de ne pouvoir y parvenir de façon satisfaisante”. Merci monsieur : nous travaillons dur, en effet.

Selon Jean-paul Delahaye, le désastre actuel s’est construit sur des décennies de choix politiques de tendances variées.

Notre pays marche sur la tête : nous dépensons beaucoup plus que les autres pays européens pour la fin de la scolarité, le lycée, et moins pour l’école primaire. Nous avons ainsi des effectifs plus chargés qu’ailleurs en maternelle et en élémentaire, et nos enseignants y sont scandaleusement sous-payés. On peut difficilement faire plus mal.

Jean-Paul Delahaye

Par exemple, l’organisation de la semaine de classe n’est pas pensée dans l’intérêt des élèves. Jean-Paul Delahaye a cette remarque percutante :

En France, le temps scolaire est considéré par les adultes comme un fardeau dont il faut se débarrasser en le concentrant sur un minimum de jours.

Jean-Paul Delahaye

Je n’avais jamais envisagé les choses ainsi ; mais en effet, cela donne déjà une image terrible de la façon de penser l’école en France, de sa place dans les familles, de l’image des savoirs transmis par l’enseignement, et de la déconsidération de notre métier. Les doléances de certaines familles quant à l’emploi du temps de leur enfant et l’obsession des remplacements vont aussi dans ce sens, en fait.

Jean-Paul Delahaye relève aussi la diminution de la formation initiale, “une formation continue totalement sinistrée”, la structure administrative du pilotage ministériel et local de l’enseignement primaire et la modification des équilibres territoriaux.

Il faudrait qu’on nous explique comment on peut améliorer les résultats des élèves de l’école primaire en payant et formant si mal leurs enseignants, et en leur infligeant un temps scolaire absurde et néfaste.

Jean-Paul Delahaye

La tribune de Jean-Paul Delahaye permet de prendre du recul et de réfléchir, en se détachant des évaluations institutionnelles qui prennent tou l’espace médiatique, et en considérant la question de l’éducation à l’école dans sa globalité et son histoire. je vous en conseille la lecture intégrale, car je n’en retranscris que quelques points.

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1/2, mais de quoi ?

Un article du Monde en date du 2 octobre 2023 revient sur la note d’alerte du conseil scientifique qui s’inquiète du niveau en mathématiques des élèves de sixième. Comme j’y apparais, voici quelques précisions pour compléter ce qui est rapporté de mon propos. Sylvie Lecherbonnier, l’auteure, ne l’a pas trahi du tout, mais forcément il est très très raccourci, c’est le jeu. Alors je développe un peu ici.

D’une part, comme le dit Charles Torossian : « Les difficultés autour de ces deux notions ne résument pas les connaissances en mathématiques des élèves à la fin du primaire. » Je suis bien d’accord. En outre dans ces évaluations il y a aussi l’influence de la lecture. Un de nos gros soucis est actuellement la difficulté qu’ont beaucoup d’élèves à décoder et comprendre l’écrit : pour pouvoir faire des mathématiques, comprendre l’écrit est souvent indispensable. Ensuite, comme le revendique Claire Piolti-Lamorthe, présidente de l’APMEP, le rôle de la formation est essentiel, et justement la formation continue en prend un coup dans les chaussettes, en cette rentrée.

Mais surtout, que “22 % des élèves placent correctement la fraction ½ sur une ligne graduée de 0 à 5” est normal au vu des programmes. Je ne pense pas qu’à ce stade on puisse déduire de ce seul indicateurs qu’« A l’entrée en 6e, la plupart des élèves ignorent le sens des fractions les plus simples ». Ils savent ce qu’on leur a appris. Voici un extrait des repères de progressivité du cycle 3, sur les fractions :

Comme on le lit ici, jusqu’au début de la 6e les fractions sont considérées dans le cadre du partage de grandeurs. Rien de surprenant donc à ce que les élèves se trompent à cette question :

Celles et ceux qui répondent 2,5 font directement appel au partage, et les autres répondent avec les moyens du bord, parce que tout simplement elles et ils ne savent pas. De même, comme je l’ai déjà écrit ici, le statut de la virgule, comme celui de la barre de fraction, sont complexes, alors que jusqu’ici les élèves n’écrivaient les nombres qu’avec des chiffres, sans autre symbole.

Ce n’est qu’en période 3 de la classe de 6e que la fraction acquiert vraiment son statut de nombre. Et cela ne peut pas être immédiat ; la preuve d’ailleurs est que beaucoup d’adultes répondent 2,5 à la question ci-dessus. Ce n’est pas parce qu’ils sont incultes et idiots. C’est parce que c’est authentiquement difficile ! Jusqu’à la moitié de l’année de sixième (au mieux) la fraction est vue comme une proportion de quelque chose. C’est tout de même hyper compliqué de devoir transformer si vite sa compréhension d’une notion relativement nouvelle. C’est pourquoi je pense que la fraction pourrait être vue longtemps avant, sous l’angle du partage, pour déjà développer le lexique, accoutumer aux mots et aux représentations. En 6e, on pourrait peut-être plus facilement passer à la fraction nombre.

Mais attention : je ne remets pas en cause le fait qu’il y a un problème dans l’acquisition des savoirs et des compétences en mathématiques. Cela fait même un gros bout de temps que nous alertons, avec l’APMEP. Ce que je voudrais voir davantage discuté, ce sont les indices, les indicateurs, la nature des preuves. Car il ne s’agit pas de défendre le point de vue d’untel ou d’unetelle pour ensuite imposer sa méthode ou sa doctrine. Il s’agit de faire progresser une société.