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1 (mille) 6 (six) 1 (cent) 10 (dix) 8 (huit)

Ce matin, avec Arthur, nous avons repris l’écriture des nombres : Arthur ne savait pas écrire les nombres inférieurs à 1 000 jusqu’au moins dernier, ni les lire. En dehors de considérations académiques, cela lui pose des problèmes dans la vie courante : lorsqu’Arthur voit des prix affichés, il ne peut pas estimer correctement la somme d’argent dont il est question. Réciproquement, en stage, s’il doit annoncer une somme à un client, il est bien embêté. Par exemple, jusqu’ici, si son tuteur de stage lui demandait de taper “soixante-trois euros”, il tape 603. Les chiffres 60 formaient son soixante, et il écrivait le 3.

Nous avons donc travaillé dur, et Arthur est presque costaud sur les nombres inférieurs à 1 000. Il se trompe encore de temps en temps, mais s’en aperçoit. Il sent qu’il se trompe, plus qu’il ne repère directement son erreur. Il m’explique qu’il sent que son cerveau “ne marche pas bien” à ce moment-là. J’ai essayé de lui enseigner comment remédier, et comment faire une pause avant de remédier, aussi.

Toujours est-il qu’Arthur, porté par l’enthousiasme de ses progrès, a commencé à lire à sa famille tous les nombres qu’il croise. Or, des nombres, dans notre environnement, il y en a un certain nombre. Il a montré comme il avait progressé de façon épatante, et puis il s’est heurté à de nouvelles limites. D’où sa demande, aujourd’hui, de bon matin :

Tu sais les nombres, là, j’arrive à les lire, enfin mieux, quoi. Mais ça va pas quand il y a trop de chiffres. C’est tout emmêlé dans mon cerveau. Tu crois que je peux y arriver ? Je sais, peut-être pas, mais peut-être que si, non ?

J’ai répondu à Arthur que je ne le savais effectivement pas : Arthur et moi savons qu’il est enquiquiné par une déficience intellectuelle, qui complique l’accès à tout un tas de savoirs. Mais lui et moi savons aussi qu’on peut toujours apprendre. La devise du dispositif ULIS que je coordonne c’est “actif, lucide, instruit”. Alors activons-nous, en toute connaissance de cause, pour aller plus loin. Ce à quoi je crois profondément, pour ma part, c’est à l’éducabilité.

Mais j’avais d’autres choses à faire faire à Arthur, ce matin. Je lui ai expliqué, et je lui ai aussi annoncé qu’il pouvait compter sur moi (…) pour attaquer ces grands nombres. Pour pouvoir répondre à ses besoins, il me fallait quelques informations. Alors Arthur, après s’être acquitté de son travail prévu, a répondu à ces questions :

Une fois ses réponses écrites, je lui ai redonné la fiche vierge en lui lisant à haute voix les nombres : je ne voulais pas confondre un problème de lecture avec un problème de numération. Il a réécrit presque la même chose, sauf pour “trois mille cent quinze”, qu’il a écrit 31115, “mille six cent dix huit” qu’il a écrit 16118 et “mille deux cent trente huit” qu’il a écrit 121308.

Sur les grands nombres (j’entends là supérieurs à 1 000), lorsqu’Arthur entend “mille”, il écrit un “1” : “trois mille trois cent onze” devient 3 (trois) 1 (mille) 311 (trois cent onze). Regardez, ça marche presque à tous les coup dans ses réponses. D’autre part, lorsqu’il fatigue ou que son attention décroche (car c’est hyper coûteux pour lui, ce type d’exercice. Il est vraiment très volontaire), il écrit aussi un “1 pour les “cent”, comme dans deux mille (2) deux (2) cent (1) vingt (20) quatre (4). Autrement dit, quand c’est trop difficile, il reprend ses réflexes passés sur les nombres inférieurs à 1 000. Logique : c’était sa représentation.

Bon alors maintenant, on fait quoi ? Voici mon plan de bataille (temporaire : a priori, je vais l’interroger, l’adapter, le remanier en permanence) :

  • Continuer de s’entraîner tous les jours un peu sur les nombres inférieurs à 1 000 ;
  • Lire des nombres écrits dans un tableau de numération qui indique seulement “classe des milliers et classe des unités” ;
  • Ecrire des nombres du type “123456” en ménageant l’espace séparateur des milliers : 123 456 ;
  • Faire de la corde à linge pour travailler l’ordre et la comparaison ;
  • Associer à des nombres leur représentation à coup de cubes, de barres, de plaques et de cubes de mille.

Et dans une semaine, on fait le point.

Non mais.

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Comprendre que 2 – (-2) = 4

Un message sur le blog m’a intéressée, depuis mon train en route vers ma Normandie :

Mon fils de 11 ans qui est en 5eme n’arrive pas a accepter la règles de signes , plus précisement le 2-(-2) = 4 . Il ne veut pas juste apprendre la règle par coeur, il vaut aussi la comprendre…..vous avez des conseils pour l’aider ?

Alors avant tout, jeune homme, bravo : vouloir comprendre est un réflexe positif, voire salvateur.

Ensuite, voici ce que je propose.

Imaginons un jeu, dans lequel on tire des cartes. J’imagine quatre types de cartes différentes, avec des gains ou des pertes associés. Par exemple, si je pioche un canard jaune, je perds 2 points.

On joue à plusieurs et pour gagner il faut avoir la plus grande somme, c’est-à-dire plus de points en tout que ses adversaires. On peut avoir un score négatif : les canards bleus et les canards jaunes apportent des pénalités, et on ne bloque pas le score à 0.

La règle est qu’on pioche 4 cartes et qu’ensuite on a le droit d’en défausser une. Supposons que j’ai cette main :

J’ai (+3) + (-5) + (+1) + (+3) = 3 + 3 + 1 – 5 = 2 points. Autrement dit, mon score est +2.

Quelle carte défausser alors ? Logiquement, si je veux gagner, je vais enlever de ma main la pénalité la plus forte, la carte qui “correspond à un score qui “descend” le plus mon score. Ma “pire” carte de ce point de vue est mignon canard bleu, qui me fait perdre 5 points. Ôter une pénalité augmentera mon score.

Ainsi, ma main est devenue :

Mon score devient : (+3) + (+1) + (+3) = 3 + 3 + 1 = 7 points. J’ai gagné 5 points par rapport à la situation initiale.

Ainsi, j’ai enlevé la carte -5. Mon score, qui était +2, est maintenant 7 :

(+2) – (-5) = +7

Autrement dit, soustraire -5, c’est ajouter +5.

On peut aussi voir les choses autrement et démontrer la propriété algébriquement. Ce que j’ai suggéré ici est une approche qui vise à faire comprendre la “logique” de la règle, mais cela ne constitue pas une démonstration.

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20/25 ? C’est une note, ça ?

Vendredi, c’est dictée préparée. Après avoir travaillé un portrait d’enfant sur la Jordanie, à Petra, la veille, la dictée porte à son tour sur cette merveille du monde.

Je vous narre la séance suivante (d’une heure, si si), qui devait porter sur de l’anglais mais j’ai sauté sur cette belle occasion, et je vous jure que je vous la fais courte :

Un élève me demande de la corriger tout de suite pour connaître son score :

L’élève compte les erreurs

(etc.)

Perplexité générale.

Explications, schémas, calculs…

Lonnnnnngue traversée du désert.

Lonnnnnnnngue observation du schéma en barres au tableau : une grande barre de 100, et une estimation de 92 à l’intérieur, puis dessous.

Les élèves calculent le quart de 92. L’un d’eux trouve en premier et s’exclame :

Les élèves cherchent sur l’ardoise ou sur le cahier de brouillon, et je suis stupéfaite que personne ne pense à la division, alors que parmi ces élèves j’en ai deux qui me résolvent des exercices de trigonométrie de 3e… Dans lesquels en plus d’appliquer le sinus ou l’arc cosinus, ils divisent au travers de produits en croix. Deux autres se débrouillent avec des fractions pas trop compliquées.

Silence…

La sonnerie retentit. Les élèves rangent, me disent au revoir, me souhaitent bon appétit et s’envolent vers la suite de leur journée.

Je vois qu’un élève avait emprunté une des calculatrices de la classe. Je la prend, et je constate qu’elle est allumée.

Je note quel élève a tapé ces calculs : cela fera un appui pour travailler sur le sens de la division et le lien avec les fractions.

Pfiou. C’était vraiment intéressant, cette séance ! Inattendu, mais très bien pour finir la semaine !

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Du bonbon au vomi à une heure d’enseignement (partie 3)

ou, titre alternatif : mais qui a piégé l’autre, au final ?
Suite des parties 1 et 2 :

Partie 3 de la séance : probabilités

A ce stade, je me dis bon, allez, on verra plus tard la suite de la chasse à la référence maudite, les 10 minutes sont passées. J’ai sur le feu une activité sur passé-présent-futur, en réactivation à une autre de la semaine précédente.

Mais tout à coup une question me taraude : “Dites, les jeunes, il y a deux goûts pour chaque couleur de bonbons, c’est ça ?” Les trois perfides en devenir acquiescent. “Et combien y a-t-il de bonbons de chaque couleur, dans votre paquet ?” Réponse : plein. Mmmmh. “Pourquoi m’avez-vous donné exactement 2 bonbons ?” Les élèves m’expliquent : “Il y a deux parfums, alors comme on voulait être sûrs que vous auriez un bonbon au vomi, on en a mis 2.”

Ok. Proba power. Léonie, sort tous les bonbons d’une même couleur, on va réfléchir.

Léonie sort 3 bonbons d’un vert absolument rebutant. 3, parfait, pas trop grand. Nous alignons les 3 bonbons.

Et boum :

Et ensuite, re-boum :

Conclusion :

Elle était super, cette heure. Exactement comme j’aime.

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Être ou ne pas être un lapin

Hier, leçon d’anglais. Je suis la méthode qui s’appelle THE METHODE, dont je suis parfaitement satisfaite : elle est sympa, efficace et adaptée. Et là, c’était la séance Halloween. Je présente donc le fantôme (blanc), le chat (noir), le vampire (qui boit du sang rouge), le monstre (au visage vert), etc. Et arrive la momie.

Un élève fronce les sourcils et me demande “c’est quoi une momie ?” J’explique, en essayant de répondre correctement sans partir dans des détails gores (auquel cas je perds mes 4e que cela va lancer loin) ni angoissants. L’élève curieux de comprendre semble satisfait.

Mais une autre élève semble plongée dans une profonde réflexion. Je n’arrive plus à retracer le fil de son discours, ce matin. Elle m’a demandé entre autres si, quand on est enterré, les scarabées nous mangent. Nous avons parlé de bactéries, et ensuite je ne sais plus, mais très naturellement (alors que nous étions partis de le leçon d’anglais sur Halloween) j’en suis arrivée à dire quelque chose du type “Oui, c’est comme ça que ça se passe pour nous, comme pour tous les animaux”.

Stupeur.

– Oui.

– Ah si. Es-tu un végétal ?

– Es-tu un minéral ?

– Tu es un animal.

– Ah oui, forcément. Toi et moi, nous sommes deux êtres humains, donc deux animaux.

Va falloir travailler exemple et généralité. Et contre-exemple.

Ensuite, un autre élève encore a déclaré qu’avant, on était des singes. Comme je lui ai expliqué que le fait de se lever sur les deux membres arrières avait permis le développement du cerveau, j’ai eu droit en conclusion à cette très belle interrogation :

Mais alors madame si je marche à quatre pattes pendant super longtemps, je vais devenir un singe ?

Ce que j’adore, c’est le mélange de curiosité, de naturel et d’une certaine forme de logique. Les questions que me posent les élèves sont toujours fondées, dans leur référentiel.

Bon, on a quand même pu terminer la leçon d’anglais.

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Madame, je peux aller aux toilettes ?

Oui.

Mais pourtant, c’est un peu compliqué, comme réponse. La question, elle, est simple. Le besoin plus ou moins.

Certain(e)s élèves ont juste envie d’aller aux toilettes. Parfois c’est vrai, c’était la récré une demie-heure avant, alors on râle, on n’est pas content : les interruptions font perdre en temps et en rythme dans la séance. Mais ils sont jeunes et les récré occupent peu de temps dans leur journée ; n’aurais-je pas envie de jouer au tennis de table, de retrouver les ami(e)s d’autres classes ou de taper dans le ballon, à leur place, plutôt que de me demander si je ne vais pas avoir envie d’aller aux toilettes dans les deux heures à venir ? Les laisser sans possibilité de se soulager, c’est violent. On ne sait jamais d’ailleurs ce qui se passe : au collège, j’ai encore plusieurs élèves qui maîtrisent difficilement leur miction, d’autres sujets aux infections urinaires à répétition, d’autres encore ont laissé leurs protections périodique dans leur sac (encore que maintenant nous avons des distributeurs, et ça c’est super). Certainement on laisse partir des élèves qui auraient pu attendre, mais dans le doute je préfère prendre soin de celles et ceux dont le besoin est réel.

Se préoccuper des toilettes publiques revient à s’inquiéter du monde.

Julien Damon, sociologue

Pour d’autres élèves, le besoin est autre : ils ou elles ont envie d’aller se dégourdir les jambes, ont besoin de prendre l’air, n’en peuvent plus de la classe pour de multiples raisons. C’est plus un problème de fond qui devrait être considéré et traité autrement ; mais là n’est pas mon propos aujourd’hui.

Un article du Monde du 28 mai aborde la question des toilettes :

L’importance de disposer de lieux propres, gratuits, accessibles facilement, sûrs est bien mise en évidence. D’ailleurs c’est effectivement une évidence quand on en discute autour de soi. Mais en situation, c’est différent. Les toilettes scolaires en sont un très “bel” exemple : elles ne sont pas forcément propres (vu le manque d’agents dans les établissements, comment faire autrement ? Nos agents n’arrêtent pas, s’épuisent, mais ne peuvent pas être partout), pas facilement accessibles (dans mon collège, les toilettes sont fermées à clef en-dehors de récréations et en principe nous n’avons pas le droit de confier la clef à des élèves), et les élèves ne les ressentent pas comme sûres. Parfois des incidents s’y déroulent, de la bousculade à la moquerie. Pour les élèves qui se questionnent sur le genre, c’est encore plus compliqué, avec des affichages stéréotypés. Mais surtout les relations interpersonnelles entre les élèves sont telles qu’uriner de façon peut-être sonore, être le point central d’un dégagement odorant, sortir avec une serviette hygiénique à la main, perturbe. Autrement dit, oui, faire pipi fait du bruit, faire caca sent mauvais et quand on a ses règles, on utilise des serviettes hygiéniques pour recueillir le flux sanguin qu’on évacue. Le collège n’est pas le lieu le plus serein pour parler et vivre tout cela. Par ailleurs, quand je vais aux toilettes élèves parce qu’elles sont les seules proches, devoir prendre le papier toilette à l’avance et ne pas disposer de lunette (pas celles sur mon nez, hein) participe à un inconfort certain.

En France (et peut-être ailleurs, je n’en sais rien), on se heurte là au problème des incivilités : si quand on laisse les toilettes ouvertes on ne les retrouvait pas dégradées, parfois de façon hallucinante, si quand on met des distributeurs de papier toilette on ne retrouvait pas les cuvettes bouchées à en devoir faire venir un plombier, tout serait plus simple. J’ai bien conscience que c’est délicat, et qu’idéaliser ne résout pas la question.

Cependant je maintiens que c’est un problème important et qu’il faudrait le débattre davantage.

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On fait la fête ?

Madame, on fera une fête à la fin de l’année ?

Ouhla tu sais, ce n’est pas trop mon truc, les fêtes au boulot.

Ah.

Pourquoi on ferait une fête ?

Pour vous dire au revoir, parce que vous partez du collège.

Oh, c’est gentil. Mais je ne suis pas sûre du tout de quitter le collège.

Ah ? Bin dans ce cas-là on ferait une fête parce que vous restez !

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Univers “parallèles” ???

Hier, des élèves de quatrième m’ont posé une question alors que nous parlions de dimension 0, 1, 2, 3 mais aussi supérieure à 3 :

Madame, un univers parallèle, il est parallèle à quoi ?

I., élève de quatrième

Ah, tiens, question intéressante que je ne m’étais pas posée alors que j’aurais dû, vu l’emploi du mot “parallèle”. D’autant que les univers parallèles sont parfois assimilés à une autre “dimension”, voire appelés “cinquième dimension” comme ici :

Un univers parallèle, c’est une réalité alternative, qui permet de réemployer des personnages dans d’autres contextes ou d’autres usages. C’est scénaristiquement pratique.

Chavez leur explique par la suite que Gargantos la pourchassait parce qu’elle a le pouvoir de voyager à travers le multivers, et révèle à Strange que ses rêves sont en fait une réalité : ce sont des visions d’un univers parallèle.

Wikipedia

La question de mes élèves est de savoir si l’adjectif parallèle s’applique. A priori il me semble inadapté, parce qu’en général il y a des points de passage. Mais ces points de passage sont aussi liés à des divergences de temps, et là ça se complique. Par ailleurs, pour moi, parallèle n’est pas bien défini par “qui ne se croise jamais”, comme nous l’énoncent souvent les élèves : quelle preuve a-t-on, puisqu’il faudrait prolonger ceci ou cela à l’infini et que c’est impossible à réaliser ? En géométrie scolaire, deux droites, deux plans sont parallèles si la distance entre les deux est constante. Ok, mais pour des univers ? Là, le fait de ne pas se croiser est peut-être plus pertinente… Mais on n’est plus en géométrie scolaire, ce qui ouvre des tas de possibilités. En tout cas c’est rigolo, c’est étudié scientifiquement, cette question.

Dans Dr Strange (dont je n’ai pas vu le dernier opus, je parle donc seulement en fonction de ce que j’ai entendu mes enfants dire), il me semble que le rêve permet de passer d’un univers à l’autre. Difficile de mesurer des distances… Dans la bande annonce, vers 1min30s, on n’a pas l’impression que les univers soient parallèles : ils semblent en contact. Mais je vais demander à mon fils ce qu’il en pense.

Dans Dr Who, le Void correspond à un vide qui sépare les différents univers parallèles et permet éventuellement de voyager de l’un à l’autre. Le Tardis, sous sa forme de cabine téléphonique, permet de voyager de l’un à l’autre. Dans cet extrait on comprend bien que le mot “parallèle” renvoie à “similaire” car les personnages se retrouvent dans un univers pareil-mais différent, un peu comme dans Dr Strange :

Dans Alice au pays de merveilles aussi, on peut parler d’univers “parallèle”. Mais là, il y a un problème : d’une part l’univers d’arrivée n’est pas parallèle au sens de similaire, car les lapin en retard-en retard-j’ai rendez-vous quek’part ou les cartes à jouer-gardes n’existent pas dans l’univers de départ, mais en plus la question de la distance s’annonce mal : à l’aller Alice passe par le terrier du lapin, mais au retour elle s’éveille d’un rêve après s’être vue ailleurs. Et entre deux, un portail direct permet de changer encore de réalité… Mmmmmmh. M’en fiche, j’adore.

Dans Stranger things, le Monde à l’envers est un univers parallèle au sens de miroir : tout y est “upside down”. Pour passer de cet univers au nôtre, il y a des points de passage directs, des portails de natures variées, et donc là on n’est pas dans du parallélisme au sens de ne pas se croiser ni rien. Mais les avis, comme les réalités, divergent :

Le Monde à l’Envers (The Upside Down en version originale) est une dimension spatiale parallèle coexistant avec notre propre monde. Il s’agit d’une copie ténébreuse et hostile de notre univers.

Site stranger things

Le Monde à l’envers est le lieu le plus énigmatique de la série Netflix Stranger Things. Des fans affirment qu’il ne s’agirait pas d’une dimension parallèle… mais d’une Terre située dans un futur post-apocalyptique.

Tom’s guide

Il y a de nombreux autres exemples, tous encore différents les uns des autres.

Alors voici mon avis en tant qu’experte de rien du tout qui vient quand même de passe une heure de sa matinée à regarder des vidéos et à lire des pages de site : le terme de “parallèle” est impropre car il ne signifie jamais la même chose. Assimilé en plus au terme “dimension”, cela devient n’importe quoi du point de vue de la précision du langage. Le fait que “parallèle” puisse avoir un autre sens n’est pas gênant en soit : je n’en veux pas à mon facteur d’avoir le même nom que x-7 dans (x+3)(x-7). Mais finalement je m’interroge sur le choix de mots se référant aux mathématiques pour parler de tout ceci : est-ce pour faire sérieux ? Parce qu’alors, va falloir définir, messieurs-dames.

Non mais.

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Madame, on EST π, ensemble

Je parle de π, ce matin : on fait un peu de grec, on parle histoire (bien avant les Grecs), on parle de tartes, on voit à quoi sert π, j’évoque la poésie de Michel Butor… J’adore cette séance, qui permet de partir dans de multiples directions tout en suivant un fil rouge bien net. Je trace un cercle de diamètre 1 mètre, j’annonce qu’il a un périmètre de π mètres. Et j’attends… La réaction est rapide : des yeux se plissent, des sourcils se froncent, j’entends des “mais…” et c’est parti pour LE débat de l’année : π est-il infini ? Comment peut-il être d’écriture décimale infinie tout en étant fini, précis ? Est-ce normal de le voir, là, le long de ce joli cercle vert au tableau, sans que ce cercle ne “bouge”, témoin des chiffres qui “s’écoulent indéfiniment, des chiffres aussi nombreux que les grains de sable de la mer” ?

Le bonheur…

Et cette année, à la fin de l’heure, deux élèves viennent me voir :

Madame, à nous deux, on représente π !

Ah bon ? Comment ça ?

Hé bien mon initiale c’est P et je suis née le 3, et I son initiale c’est I et elle est née le 14…

Ouahou. Ca c’est la classe.

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En quatrième, c’est limite !

En quatrième ce matin, je demande la différence pour les élèves entre statistiques et probabilités. Globalement, ce qui ressort de leurs interprétations, c’est que les probabilités prévoient, donnent une mesure des chances ou des risques d’une expérience pas encore réalisé, alors que les statistiques étudient une expérience réalisée. Apparaît aussi l’idée d’ “idéal” de la proba, contre le prosaïsme des stats. Nous développons et précisons, pour porter une trace écrite dans la leçon. Je finis par évoquer les probas comme modélisation, comme cas limite, comme ce qu’on obtiendrait en réalisant une expérience un nombre infini de fois.

Et là, paf, au fil des échanges, un élève me demande si l’infini est un nombre. Alors bon, que voulez-vous que je fasse ? J’évoque droite réelle et droite réelle achevée…

Un autre élève rebondit : mais alors madame, on peut faire des opérations sur l’infini ?

Un autre rétorque : bah oui, évidemment par exemple l’infini divisé par l’infini ça fait 1.

Ai-je essayé de résister ? Sans doute. Peut-être. Je ne sais plus. Me suis-je retrouvée au tableau en expliquant avec passion les limites à des élèves de quatrième, en combinant allègrement concepts de lycée et vulgarisation pour donner à mes élèves une chance de me suivre au moins un peu ? Oui !

Deux heures plus tard, à la récré, des élèves sont revenus m’en parler. Quelques-uns avaient poursuivi leur réflexion en posant leurs conjectures sur un joli brouillon. Ils avaient bigrement bien raisonné. Un autre m’a dit : “j’ai cru comprendre, mais en fait j’ai rien compris, madame. Je ne vous ai pas suivi , finalement. Tout ce que j’ai compris c’est que les calculs sur l’infini c’est compliqué parce que ça dépend comment on va vers l’infini. Et du coup on ne peut pas dire comme ça paf, ça va faire ça ou ça.”

Pas si mal pour un élève de quatrième qui n’a rien suivi…

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Comment on sait que ça existe, si on peut pas les représenter ? (débat shakespearien en quatrième)

Voilà une question quasi métaphysique d’A., élève de 4e, lors de la séance sur la règle des signes. Nous avions bien avancé déjà, et nous discutions des raisons pour lesquelles je n’ai pas recours en classe à la comptine “les amis de mes ennemis etc.” J’avais expliqué aux élèves que je comprends qu’on leur ai transmise, dans leur famille, parce que cela va vite et donne l’impression de transmettre un savoir, mais en fait non. C’est un moyen mnémotechnique, et c’est tout. Cela ne signifie pas qu’il est interdit ou mal d’y avoir recours (n’est-ce pas, Elise ? 😉 ) ; cela signifie que moi, en tant qu’enseignante, je ne vais pas m’y référer, parce que je veux faire comprendre. Ensuite, une fois qu’on a compris, évidemment que chacun d’entre nous construit ses automatismes. C’est normal et cela fait gagner de l’énergie. Et puisqu’on a compris pourquoi la règle est ainsi, on peut faire des raccourcis sans dégâts. Plus important, lorsqu’on se trouvera devant un cas plus complexe, on pourra revenir au sens pour surmonter l’obstacle, et transférer dans des contextes différents.

J’avais donc argumenté pour éliminer l’usage venant de moi de cette proverbiale ritournelle. C’était le moment crucial, celui où j’espère que j’ai convaincu ou au moins intrigué les élèves, et qu’ils vont me faire suffisamment confiance pour abandonner la chansonnette un moment et accepter d’écouter ma démonstration, pleine d’inconnues et de distributivité, ce qui naturellement peut passer pour moins attractif (enfin je dis ça parce que je l’observe, évidemment qu’une démonstration c’est attractif, mais bon). J’ai senti qu’ils n’étaient pas tout à fait mûrs, que j’allais faire splotch. Alors j’ai décidé d’être explicite :

Vous êtes en quatrième. Aujourd’hui vous découvrez la règle des signes. On est dans l’abstraction, et c’est extra. Nous avons besoin de réfléchir aussi à des choses abstraites. En soi, la règle des signes ou le théorème de Pythagore ou ce que vous voulez, ce n’est pas l’essentiel : si vous en avez besoin un jour dans votre vie ou votre métier, vous pourrez l’apprendre ou le redécouvrir, vous êtes assez futés pour ça. Le contenu n’est pas le plus important. (T., arrête de démonter tes stylos et concentre-toi, écoute-moi) Ce qui est important, c’est que j’arrive à enrichir vos outils de pensée : que vous sachiez argumenter, trouver des contre-exemples lorsqu’il en existe, articuler votre raisonnement, distinguer une preuve d’une affirmation, bref ne pas dépendre des autres pour penser, ne pas être convaincu par celui qui parle le plus fort ou celle qui parle en dernier, mais savoir ce que vous pensez et pourquoi vous le pensez, et pouvoir le transmettre à autrui.

Depuis l’année dernière, on travaille ensemble les nombres relatifs. C’est un bouleversement, en fait, pour vous : jusqu’ici, quand on vous apprenait la numération et à calculer, on pouvait représenter ça avec des objets : je vous sors des pommes, des cubes, des bidules et des machins, et on voit comment les opérations fonctionnent. Mais avec les nombres négatifs, ce n’est pas possible : je ne peux pas vous montrer -7 pommes. Parce que comme on a dit tout à l’heure, le “-” du -7 et le moins de “je soustrais 7”, ce n’est pas exactement la même chose, même si c’est lié. Je peux prendre 9 pommes et en enlever 7 et vous dire : tu vois, je “fais -7 pommes”. Mais là je fais une soustraction sur un ensemble qui me le permet parce que j’ai assez de pommes pour le faire. (W., si tu continue à faire l’acrobate je te prive de tabouret. C’est pour t’aider à te concentrer, pas pour faire le clown, ce tabouret) Quand je parle de -7, ça ne peut pas être des pommes : c’est un nombre, une abstraction. Je peux le représenter en l’écrivant, je peux parler de température (c’est juste une notation en fait, comme sur la droite graduée), je peux vous parler de découvert à la banque, mais pas concrètement avec des objets.

Et je veux, moi, vous faire accéder à cette abstraction-là. C’est pour ça que je vais vous démontrer la règle des signes, et pas vous équiper de formules magiques.

Alors là, il m’a semblé que c’était bon, qu’on pouvait y aller. Et comme je l’ai relaté ici, ça s’est bien passé de mon point de vue.

Mais ensuite, A. m’a posé sa question, qui la turlupinait :

Mais madame il y a une question que je me pose, quand même. Les nombres négatifs, Comment on sait que ça existe, si on peut pas les représenter ?

C’était une si jolie question que je l’ai relayée à toute la classe. Ma réponse a été spontanée, mais sans doute hyper imparfaite :

Tout dépend de ce que tu entends par “exister” : puisqu’on les a pensé, les nombres, ils existent, non ?

Nous en avons reparlé, depuis, et les élèves ont apporté des arguments pour poursuivre le débat :

  • Un carré ça existe pas en vrai de vrai, tu as des trucs carrés mais c’est pas des “carrés” et pourtant on pense que les carrés ça existe ;
  • la liberté, je peux pas la voir mais ça existe. Ou l’amour, genre ;
  • Les nombres relatifs et les autres, ils existent parce que avec on peut faire des calculs pour répondre à des trucs concrets de la vie ;
  • non, moi je suis pas convaincu. Genre si je me dis tiens, je vais inventer une quatrième dimension et puis une cinquième et tout, elles vont exister ???
  • Les nombres négatifs ils existent pas en fait. C’est de les écrire qui existe. Comme quand on écrit sur les licornes.

Ce sont de bien belles réflexions, et je vais les arroser régulièrement pour qu’elles croissent joliment. Cela pourrait contribuer à répondre à la question (légitime) “mais à quoi ça sert les maths ?”