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Etre ou ne pas être une mathlète

 Lorsque mes enfants étaient petits, nous avions encore la télé, et ils regardaient les Super Nanas. J’aimais bien, les Super Nanas. En en reparlant ce soir à table mon fils m’a trouvé un épisode des Super Nanas intitulé La reine des maths, et en VO” Mathlete”.

Au début de l’épisode, Rebelle (la dure à cuire qui castagne) essaie de se faire aimer d’une de ses camarades qui joue les mauvaises élèves volontaires. Mais elle est acceptée en cours de maths approfondies, ce qui la sépare de la jeune fille et la met face à un dilemme, ce qu’on appellerait en ce moment un conflit de loyauté : peut-elle assumer d’être “bonne en maths” alors qu’elle veut rouler des mécaniques ? Et puis les choses dégénèrent et elle se retrouve face au monstre des maths, qui a ratatiné tous ses camarades, et ses soeurs.

Rebelle se retrouve donc à de voir résoudre quelques questions mathématiques, dont deux sont visibles pour le spectateur :

D’abord elle doit résoudre une équation en x, en tout cas c’est ce que j’ai compris de ce qu’elle dit.

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Or cette expression n’est pas une équation. En revanche c’est vrai qu’elle est égale à 4, ce qui est identifiable par exemple en factorisant le numérateur sous la forme (x+4)^2. De ce fait, après simplification, cette expression (et non x) vaut 4, à condition que x soit différent de -4, qui est valeur interdite. Rebelle aurait quand même pu le préciser ; c’est important, d’exclure les valeurs interdites, tsssss.

Ensuite, elle doit déterminer la valeur d’une limite :

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Alors là, respect : en maths approfondies, le prof avait demandé d’appliquer le théorème de Pythagore avec des nombres comportant des racines, ce qui était relativement costaud pour des choupinettes hautes comme trois pommes comme les Super Nanas, que je plaçais au collège. mais là, pas facile, la limite : il faut que Rebelle sache que la limite de sin(x)/x est égale à 1 lorsque x tend vers 0, et qu’elle effectue mentalement un changement de variable du type X=7x pour se ramener à la limite de 7sin(X)/X, avec X qui tend lui aussi vers 0, forcément. Ensuite elle est lancée, et elle balance au vilain monstre équilatéral des y, des racines, des signes d’intégration… Forcément, le monstre est défait.

Conclusion : on peut être dure à cuire ET forte en maths.

Deuxième conclusion : il faut se méfier des triangles équilatéraux.

Rhalala, les Super Nanas, quelle leçon de vie.

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Legos, fractions et institutionnalisation

En discutant avec des collègues récemment, sur une étude de séance a priori, nous n’étions pas d’accord (mais de façon intéressante et constructive) : pourquoi reprendre le sens des fractions en sixième ? Quel intérêt à faire manipuler si ce n’est pour les distraire ? Cela va prendre du temps ; et puis comment réussir à institutionnaliser en conservant l’attention des élèves, en particulier sur une séance comme celle que j’avais prévue, qui durait deux heures ?

J’ai réalisé cette séance ce matin, comme prévu. J’avais cours deux heures d’affilée mes élèves de sixième, comme d’habitude. Nous avons d’abord fait le bilan du conseil de classe de lundi. Ensuite, nous avons corrigé cinq exercices qui portaient sur des calculs de volumes. Cela mettait un point (pas final ; jamais final avec moi d’ailleurs) à notre séquence-fleuve (périmètres surfaces aires solides volumes proportionnalité pourcentages) du moment. Nous avons donc entamé, dans le courant de la deuxième heure, une nouvelle séquence avec l’activité legos et fractions.

Au départ, les élèves ont reçu une pochette de legos pour deux et ont eu à réfléchir aux deux premiers cas. Rapidement nous avons écrit ce qui leur venait pour le premier cas. Voyant la nature de ce que j’attendais, ils ont réfléchi au deuxième et nous avons rassemblé leurs propositions. C’est ce qui figure en photo ci-dessus. Ensuite ils ont eu un moment pour réfléchir à la suite. Lorsqu’il s’est avéré qu’à peu près tout le monde était allé le plus loin possible, ce qui était très variable, nous avons institutionnalisé. Voici des extraits de cette phase de recherche :

Quelles conclusions ? Je reprends les questions initiales :

  • Pourquoi reprendre le sens des fractions en sixième ? Parce que pour de nombreux élèves ce n’est pas clair. C’était une nouvelle fois évident ce matin.
  • Quel intérêt à faire manipuler si ce n’est pour les distraire ? Une activité motivante, c’est toujours mieux pour être dans de bonnes dispositions et comprendre. En plus moi aussi je m’amuse, et moi aussi je suis motivée. Mais surtout, manipuler dans un premier temps, puis schématiser par la suite et enfin modéliser respecte des étapes harmonieuses pour accéder à une véritable compréhension, qui soit durable.
  • Cela va prendre du temps. Moins d’une heure pour l’introduction, cela me semble raisonnable. La fin de l’activité ira plus vite, maintenant. Sans doute. Peut-être. Je vous raconterai.
  • Comment réussir à institutionnaliser, en particulier sur une séance comme celle que j’avais prévue, qui durait deux heures ? Mes élèves arrivent à se concentrer sur la durée, dans la mesure où je propose des activités variées dans le fond et la forme. D’ailleurs voici la dernière demi-heure, sous forme de recueil de leurs conceptions. Il y a des tas de choses que j’aurais dû formuler différemment, comme d’habitude, mais on entend bien que les élèves sont actifs et participent.

Nous avons obtenu la trace finale que voici :

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Vivement demain qu’on continue !

Le début de la fiche (qui comporte trois pages) :

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Division partition, division quotition

Dans la rubrique “révisons pour le concours”, aujourd’hui, la division partition et la division quotition.

  • La division quotition, ou division-groupement, correspond à la recherche du nombre de parts, le nombre de fois qu’on peut “mettre un nombre dans un autre”. Cela revient à calculer le nombre de paquets identiques que l’on peut faire dans une collection, connaissant la valeur d’un paquet ;

Par exemple :

J’ai 75 oeufs en chocolat, et je prépare des sachets de 5 oeufs. Combien vais-je remplir de sachets ?

Des baguettes identiques mesurent 23 cm chacune. La longueur totale des baguettes juxtaposées est 276 cm. Combien a-t-on placé de baguettes ?

Des cartouches d’encre pour mon imprimante valent 23 euros l’unité ; j’en achète pour 276 euros. Combien en ai-je acheté ?

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  • La division partition, ou division-partage, correspond  à la recherche de la valeur d’une part, c’est-à-dire combien d’unités contient cette part, connaissant le nombre de paquets identiques que l’on peut faire dans une collection ;

Par exemple :

J’ai 75 oeufs en chocolat, et je veux en donner de façon équitable à 6 enfants. Combien chaque enfant recevra-t-il d’oeufs ?

Quand on met 12 baguettes bout à bout, la longueur totale est de 276cm. Quelle est la longueur d’une baguette ?

12 cartouches d’encre pour mon imprimante valent 276 euros. Quel est le prix d’une cartouche ?

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  • Pourquoi est-ce différent au fond ?

Les logiques de raisonnements, les schémas mathématiques sont différents selon qu’il s’agit d’une division quotition ou d’une division partition. Réfléchissons ensemble sur cet exemple:

J’ai 75 oeufs en chocolat, et je prépare des sachets de 6 oeufs. Combien vais-je remplir de sachets ?

Pour nous adultes, ce problème se résout en posant la division euclidienne de 75 par 6. Selon les méthodes choisies, la présentation est différente, mais la plupart d’entre nous écriront :

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Le raisonnement de base de l’enfant sera d’utiliser l’addition réitérée (ou, dans des consignes différentes, la soustraction réitérée), et la multiplication. L’enfant va réitérer l’ajout de groupes de 6, car chaque groupe de 6 est matérialisé par un sachet. Par exemple, un enfant peut passer par 6 + 6 + 6 + 6 + 6 + 6 + 6 + 6 + 6 + 6 + 6 + 6 +3, ou 60 + 6 + 6 + 3, s’il a bien compris la construction décimale du nombre, et aboutir plus ou moins explicitement à 12 × 6 + 3. C’est l’égalité de la division euclidienne qui apparaît là. Cela va permettre d’amener le principe de division et sa construction, par la suite.

Maintenant, réfléchissons sur l’exemple :

J’ai 75 oeufs en chocolat, et je veux en donner de façon équitable à 6 enfants. Combien chaque enfant recevra-t-il d’oeufs ?

Nous allons poser la même division, et c’est bien pourquoi il peut nous sembler que “c’est la même chose”, parce que la technique calculatoire que nous engageons est la même, et le résultat aussi, sous sa forme strictement numérique. Mais pourtant le raisonnement pour un enfant diffère et s’apparente à un geste mental différent. La recherche de la valeur d’une part axe le raisonnement en faisant varier une valeur, par essai-erreur-ajustement. Il peut d’ailleurs être utile d’utiliser la calculatrice. En effet, l’enfant va plutôt imaginer qu’il donne un oeuf à l’enfant 1, un oeuf à l’enfant 2, etc. jusqu’à l’enfant 6, et il a donc fini un tour de distribution. Il recommence. Il ne s’imagine pas faire des paquets de 6, puisqu’il ne les fait pas, vu la nature de la consigne ! Il va donc tâtonner, car imaginer les tours de distribution va être long (encore que certains enfants le schématiseront, ou essaieront de le schématiser), et chercher à reconstruire 75.

La différence est plus claire faire si on fait varier les nombres engagés, comme l’explique Brissiaud dans la présentation du livre du maître du manuel J’apprends les maths :

Pour diviser 27 847 par 4 (division par un nombre à 1 chiffre), par exemple, les enfants peuvent penser à un scénario de partages successifs des milliers, centaines, dizaines et unités comme celui-ci :
– Partage des milliers: 27 milliers partagés en 4, cela fait 6 pour chacun et 3 milliers restent à partager.
-Partage des centaines restantes : les 3 milliers restants et les 8 centaines qu’on avait au départ font 38 centaines à partager en 4, etc.
Ce premier « geste mental » est celui qu’on utilise lorsqu’on « pose » cette division par écrit. Présentons l’autre « geste mental de base ». Si l’on doit diviser 903 par 125, par exemple, cela n’aide guère de s’imaginer le partage de 903 objets entre 125 personnes. Il convient mieux de chercher : « Avec 903 objets, combien peut-on former de groupes de 125 ? » ou encore « En 903, combien de fois 125 ? », ce qui correspond au geste de la division par quotition (groupement). Comme 7 fois 125=875, le quotient est 7 et le reste 28.

Les exemples numériques précédents n’ont pas été choisis au hasard : lorsqu’on divise un « grand nombre » par un nombre à un chiffre (le quotient est alors un nombre à plusieurs chiffres), on a intérêt à procéder par partages successifs des milliers, centaines, etc. En revanche, lorsqu’on divise un nombre a par un autre b alors que le quotient n’a qu’un seul chiffre, on a intérêt à se demander : « En a combien de fois b ? ».

En fait la véritable difficulté n’est pas dans l’enseignement de cette technique en elle-même mais dans celui de l’équivalence entre la quotition et la partition.

Sources : ici,  et aussi ici