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1/2, mais de quoi ?

Un article du Monde en date du 2 octobre 2023 revient sur la note d’alerte du conseil scientifique qui s’inquiète du niveau en mathématiques des élèves de sixième. Comme j’y apparais, voici quelques précisions pour compléter ce qui est rapporté de mon propos. Sylvie Lecherbonnier, l’auteure, ne l’a pas trahi du tout, mais forcément il est très très raccourci, c’est le jeu. Alors je développe un peu ici.

D’une part, comme le dit Charles Torossian : « Les difficultés autour de ces deux notions ne résument pas les connaissances en mathématiques des élèves à la fin du primaire. » Je suis bien d’accord. En outre dans ces évaluations il y a aussi l’influence de la lecture. Un de nos gros soucis est actuellement la difficulté qu’ont beaucoup d’élèves à décoder et comprendre l’écrit : pour pouvoir faire des mathématiques, comprendre l’écrit est souvent indispensable. Ensuite, comme le revendique Claire Piolti-Lamorthe, présidente de l’APMEP, le rôle de la formation est essentiel, et justement la formation continue en prend un coup dans les chaussettes, en cette rentrée.

Mais surtout, que “22 % des élèves placent correctement la fraction ½ sur une ligne graduée de 0 à 5” est normal au vu des programmes. Je ne pense pas qu’à ce stade on puisse déduire de ce seul indicateurs qu’« A l’entrée en 6e, la plupart des élèves ignorent le sens des fractions les plus simples ». Ils savent ce qu’on leur a appris. Voici un extrait des repères de progressivité du cycle 3, sur les fractions :

Comme on le lit ici, jusqu’au début de la 6e les fractions sont considérées dans le cadre du partage de grandeurs. Rien de surprenant donc à ce que les élèves se trompent à cette question :

Celles et ceux qui répondent 2,5 font directement appel au partage, et les autres répondent avec les moyens du bord, parce que tout simplement elles et ils ne savent pas. De même, comme je l’ai déjà écrit ici, le statut de la virgule, comme celui de la barre de fraction, sont complexes, alors que jusqu’ici les élèves n’écrivaient les nombres qu’avec des chiffres, sans autre symbole.

Ce n’est qu’en période 3 de la classe de 6e que la fraction acquiert vraiment son statut de nombre. Et cela ne peut pas être immédiat ; la preuve d’ailleurs est que beaucoup d’adultes répondent 2,5 à la question ci-dessus. Ce n’est pas parce qu’ils sont incultes et idiots. C’est parce que c’est authentiquement difficile ! Jusqu’à la moitié de l’année de sixième (au mieux) la fraction est vue comme une proportion de quelque chose. C’est tout de même hyper compliqué de devoir transformer si vite sa compréhension d’une notion relativement nouvelle. C’est pourquoi je pense que la fraction pourrait être vue longtemps avant, sous l’angle du partage, pour déjà développer le lexique, accoutumer aux mots et aux représentations. En 6e, on pourrait peut-être plus facilement passer à la fraction nombre.

Mais attention : je ne remets pas en cause le fait qu’il y a un problème dans l’acquisition des savoirs et des compétences en mathématiques. Cela fait même un gros bout de temps que nous alertons, avec l’APMEP. Ce que je voudrais voir davantage discuté, ce sont les indices, les indicateurs, la nature des preuves. Car il ne s’agit pas de défendre le point de vue d’untel ou d’unetelle pour ensuite imposer sa méthode ou sa doctrine. Il s’agit de faire progresser une société.

One thought on “1/2, mais de quoi ?

  1. Merci.
    Mon petit, début CM2, a été confronté à cet exo et m’a demandé tout de go : “je veux bien placer un demi…mais un demi de quoi ? Si c’est un demi de 1, c’est là…si c’est un demi de 2, c’est là…si c’est un demi de 5 de là…”. Bref… le CSEN pourrait commencer par lire des articles de didactique avant de construire des items d’évaluation.
    Arnaud Simard

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